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convention qui ne peut se rapporter qu’aux possessions portugaises de la côte de Mozambique, c’est-à-dire au bien d’autrui. On a dit — nous ne reproduisons ces bruits que sous réserves — que les deux cabinets de Londres et de Berlin avaient escompté les conséquences territoriales qu’on pourrait tirer un jour des besoins d’argent dont le Portugal éprouvait, à des intervalles assez réguliers, des crises douloureuses. De l’argent, soit, on lui en fournirait ; mais non pas sans lui demander des gages d’un caractère très réel, et d’une espèce facilement réalisable. Une fois établie, l’entente a été tenue secrète dans ses détails ; mais on s’est habitué à en tenir compte comme d’un des facteurs éventuels de la politique africaine. Si nous éprouvons quelque surprise, c’est qu’on ne se soit pas encore arrangé, de manière ou d’autre, pour brusquer les événemens. Le désir n’en a sans doute pas manqué, et peut-être même encore plus à Berlin qu’à Londres : seulement, par une bizarrerie tout à fait imprévue et qui a dérangé plus d’un calcul, le Portugal n’a pas eu besoin d’argent depuis 1898, et n’a fait aucun appel au crédit européen. Peut-être a-t-il flairé le danger et a-t-il su s’y soustraire. Quoi qu’il en soit, l’hypothèse qui avait servi de fondement à la convention anglo-allemande ne s’est pas encore réalisée.

On conservait l’espoir qu’elle ne manquerait pas de le faire à propos d’un procès pendant depuis une dizaine d’années devant le tribunal arbitral de Berne, et dans lequel le Portugal se trouvait en cause. Voici, en quelques mots, ce dont il s’agissait. En 1883, le gouvernement portugais avait donné à un Américain, le colonel Mac-Murdo, la concession d’un chemin de fer allant du port de Lourenço-Marquez à la frontière du Transvaal. Le colonel américain constitua une société, portugaise en droit, mais anglaise en fait. Les travaux de construction commencèrent en 1887. Dès avant cette date, le gouvernement du Transvaal s’était efforcé de faire annuler la concession. Il sentait fort bien l’inconvénient qu’il y avait pour lui à laisser tomber entre des mains britanniques la seule voie ferrée qui lui donnerait accès sur la mer, en dehors des territoires impériaux. Le gouvernement portugais ne resta pas insensible à l’action du Transvaal : c’est du moins ce que les Anglais prétendent, et ils voient dans ce qui s’est passé à ce sujet une preuve nouvelle de l’abominable « conspiration krugériste. » On donna à la compagnie concessionnaire, pour achever la construction de la ligne, un délai qui se trouva trop court, et à l’expiration duquel le chemin de fer commencé fat purement et simplement saisi. Le fait se passait au printemps de 1889. Bien entendu, les concessionnaires