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de M. Méline. Il s’est formé après les élections de 1898, avec le programme qu’il avait défendu jusqu’alors et qu’il entendait bien ne pas abandonner. Malgré quelques défections, ce groupe est resté nombreux et compact : au milieu des défaillances de l’heure présente, c’est celui de tous qui montre le plus de fermeté dans son attitude et qui sait le mieux ce qu’il veut. En tout cas, c’est celui qui le dit avec le plus de franchise et de netteté. Il a donc adressé aux électeurs municipaux un manifeste, dans lequel il les invite à se prononcer sur les questions qui sont aujourd’hui posées, et qui l’ont été le plus souvent par le fait du ministère actuel. N’est-ce pas grâce à sa faiblesse qu’on a vu un jour, et un jour de fête, le drapeau rouge flotter en liberté dans un quartier de Paris, qui retentissait en même temps de chants révolutionnaires et de cris de guerre sociale ? Ce souvenir est difficile à oublier, et les républicains progressistes croient devoir le rappeler aujourd’hui. Il faut, disent-ils, que les candidats aux élections prochaines se prononcent pour ou contre le drapeau rouge. Mais, évidemment, ce n’est pas assez. Il faut qu’ils se prononcent aussi pour ou contre la liberté du travail, compromise par tant de grèves successives, ou plutôt par les procédés d’intimidation qu’on y emploie contre les ouvriers qui voudraient travailler ; — pour ou contre la liberté d’association, supprimée par les projets de loi que le gouvernement a déposés sous prétexte de l’organiser ; — pour ou contre la propriété individuelle, menacée par la propagande du parti socialiste, propagande qui devient chaque jour plus audacieuse. Ce sont là, en effet, des intérêts qui ne sont pas spéciaux à telle ou telle partie de la société : ils sont ceux de la société tout entière, et nul de nous ne peut y rester indifférent.

Le drapeau rouge n’est qu’un emblème, mais on sait ce qu’il représente. Il représente la révolution mise à la place du progrès de chaque jour, méthodique et prudent, qui n’a pas besoin de ruines pour accomplir son œuvre, et qui, s’il avance d’un pas mesuré, trop lent au gré de certaines impatiences, du moins ne recule jamais. Les républicains progressistes sont partisans du progrès, comme leur nom l’indique, et ennemis de la révolution. Après avoir qualifié l’œuvre de leurs adversaires : « En face, disent-ils, de cette politique de désorganisation nationale, affirmons nettement la nôtre, qui est celle de tous les républicains patriotes qui font passer avant tout l’intérêt du pays et la grandeur de la France. C’est une politique d’apaisement, de tolérance et de concorde, cherchant à réunir tous les bons Français sur le terrain de la République, en même temps qu’une politique de liberté