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Le prince héritier allemand, le fils aîné de l’empereur Guillaume, est sur le point d’atteindre sa majorité. Né le 6 mai 1882, il aura dix-huit ans le 6 mai prochain. On donnera, à ce sujet, des fêtes à Berlin, et l’empereur François-Joseph a été invité à y assister. Il a accepté. Après avoir reçu plusieurs visites de Guillaume II, il profite de l’occasion actuelle pour les lui rendre. Rien n’est plus naturel. Cependant, il ne semble pas que son voyage doive avoir un caractère exclusivement personnel, car le comte Goluchowski accompagne l’empereur. Mais pourquoi s’en inquiéter ? Cette fois encore, nous répéterons que rien n’est plus simple : on peut, tout en prenant part à une fête de famille, causer de quelques affaires, et mêler ainsi l’utile à l’agréable. Dans le reste de l’Europe, la nouvelle de cette visite, même dans les conditions où elle aura lieu, a laissé l’opinion indifférente ; on n’a pas jugé qu’il fallût y attacher une importance particulière. A Rome, au contraire, on s’en est ému assez vivement. D’abord, on y a trouvé surprenant que l’empereur d’Autriche eût été l’objet d’une invitation qui n’avait pas été adressée en même temps à la famille royale d’Italie. Est-ce que l’Italie n’est pas une aussi fidèle alliée de l’Allemagne que l’Autriche ? Est-ce que le roi Humbert n’est pas un ami aussi intime que l’empereur François-Joseph ? Pourquoi l’un et l’autre n’ont-ils pas été traités de la même manière ? Il est difficile de croire à un oubli ; il faut donc bien admettre une intention, qui a paru peu obligeante à Rome, et dont l’opinion s’est montrée, à tort ou à raison, froissée. Depuis, on a tâché de réparer l’omission première. Un prince de la maison de Savoie a été invité à son tour à se rendre à Berlin. La Triple Alliance figurera donc tout entière aux fêtes de la majorité du kronprinz. Malgré tout, la susceptibilité italienne a été mise en éveil, et il semble bien que ce ne soit pas tout à fait sans motif : mais c’est là un point qui n’a pas grand intérêt pour nous, et que nous n’éprouvons aucune curiosité à éclaircir davantage. Quoi qu’il en soit, la presse italienne, dans l’irritation du premier moment, s’est livrée à toutes sortes de suppositions, dont quelques-unes au moins ne paraissent pas très fondées. Elle est allée jusqu’à se demander si l’Autriche n’aurait pas, par hasard, des vues sur l’Albanie, et si ces vues ne seraient pas encouragées à Berlin. On a peine à croire que l’Autriche soit hantée, en ce moment, de l’esprit de conquête et d’annexion, et qu’elle s’expose, pour le satisfaire, à apporter dans la péninsule balkanique un ébranlement dont il serait difficile de calculer toutes les répercussions. Sa politique donne l’impression d’être plus conservatrice et plus calme. A cet égard, les Italiens peuvent vraisemblablement se rassurer. Reste le procédé