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dont nous avons parlé, et dont nous n’avons pas à nous faire juges : c’est à eux seuls, à l’apprécier.

La question de savoir ce qu’on pense à Rome de la Triple Alliance a, au contraire, de l’intérêt pour nous. Or, on en pense moins de bien qu’autrefois. On se demande, avec un esprit critique de plus en plus éveillé et exigeant, ce que la Triple Alliance, qui a pu être très utile à l’Allemagne et même à l’Autriche, a rapporté à l’Italie, soit au point de vue économique, soit au point de vue politique, et la réponse qu’il a fallu se faire n’a pas été très satisfaisante. Aussi la presse allemande a-t-elle essayé d’y ajouter quelque chose, en disant que, grâce à ses alliances, l’Italie avait pu développer considérablement sa politique dans la Méditerranée ; mais cela même est contestable, et il s’en faut de beaucoup, en tout cas, que l’Italie ait rencontré des satisfactions en rapport avec ses désirs. La Triple Alliance existe, elle sera certainement respectée aussi longtemps que le terme n’en sera pas échu ; mais sera-t-elle renouvelée, et, si elle l’est, dans quelles conditions le serait-elle ? C’est la question qu’agitent nos voisins.

Les traités de commerce conclus par l’Italie doivent prendre fin à peu près en même temps que la Triple Alliance, de sorte que des considérations économiques viennent se joindre aux considérations politiques pour rendre plus complexe le problème que la diplomatie italienne aura à résoudre. Certains journaux ont parlé à ce sujet de l’ « alliance latine » comme d’une hypothèse à envisager favorablement. n est certain que la reprise des relations commerciales de la France et de l’Italie a créé, depuis deux ans, entre elles, des intérêts communs, qui peuvent encore être développés et resserrés. Il est certain aussi que la communauté des intérêts économiques exerce une influence salutaire sur l’ensemble des rapports de deux pays. Mais il serait pour le moins prématuré de vouloir répondre dès aujourd’hui à des questions qui commencent à peine à être posées, et c’est tout au plus si on peut en préparer de loin la solution : encore faut-il y apporter beaucoup de ménagemens et de réserve. Il est bien évident que l’Italie, le moment venu, ne s’inspirera que de ses intérêts ; en quoi elle aura pleinement raison ; et c’est ce que nous ferons de notre côté. Les affinités de race et, d’une manière plus générale, les considérations de sentiment n’entrent que pour une quantité infinitésimale, ou plutôt n’entrent pour rien, dans une discussion d’affaires ; et c’est d’une affaire qu’il s’agit ici. L’Italie, nous en sommes sûrs, ne le comprend pas autrement : c’est, au surplus, la meilleure manière de s’entendre, pour deux nations qui traitent sur le pied de parfaite égalité, amicalement,