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porte plus haut et plus loin. On restait en pleine guerre, à peine sorti d’un pressant danger. L’ennemi était contenu, non réduit. L’homme qui revient, c’est le plus grand vainqueur qui soit apparu depuis des siècles. Certes, les généraux habiles et entreprenans ne manquent pas dans nos armées ; Masséna vient de remporter une belle victoire, Soult a gagné une bataille, Brune en a gagné deux, mais Bonaparte en avait gagné vingt, il en avait gagné cent. Surtout, réussissant où nul avant lui ne s’était même essayé, il avait vaincu assez pour terminer d’autorité la guerre, pour imposer à notre principal ennemi sur le continent un traité dicté presque en vue de Vienne, un traité qui était apparu comme le prélude de la pacification générale. Leoben et Campo-Formio avaient fait pour sa réputation autant qu’Arcole et Rivoli. S’il revient aujourd’hui, c’est pour reprendre son œuvre indignement compromise, pour réparer les fautes et consolider les succès ; seul, il paraît capable d’achever la victoire, de la pousser à fond et de la porter à sa fin naturelle : la paix.

Or, le peuple se rend compte que la prolongation de la guerre est la source première des maux dont la recrudescence l’accable. C’est la guerre qui a suscité la loi des otages, l’impôt progressif ; c’est elle qui donne prétexte aux Jacobins pour relever leur hideux drapeau ; qui encourage les complots et les soulèvemens royalistes ; c’est elle, la maudite, qui multiplie les levées, qui prend au paysan son cheval et son fils, qui jette aux bois, aux montagnes, ces milliers de réfractaires dont les bandes s’unissent aux brigands pour désoler la France. Depuis neuf ans, la crise extérieure complique affreusement la Révolution ; elle en a augmenté les malheurs et aggravé les forfaits. Aux yeux du peuple, le moyen de terminer la Révolution est de finir la guerre. Bonaparte semble l’homme de cette tâche ; le bienfait qu’il ne donnera jamais aux Français, ils l’attendent de lui très promptement ; l’éternel guerroyeur qu’il sera, on l’acclame, suivant l’expression d’un journal, comme « le précurseur de la paix. »

Assurément, les politiciens sentent qu’un facteur nouveau et formidable entre en jeu ; ils assistent à la déroute. de leurs combinaisons, s’occupent déjà de les reformer d’après des données différentes ; ils s’agitent affolés, sous le coup qui frappe en plein dans leur basse fourmilière. Pour la masse des citoyens, la question intérieure reste au second plan, sa solution dépendant de celle qui sera donnée à l’autre et que Bonaparte l’Italique, Bonaparte