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que la prise de Tananarive a coupé court aux hostilités. Nulle part, aucune menace sérieuse de rébellion, de résistance aux instructions du gouvernement local ou au nouvel ordre de choses établi. Si des actes de brigandage provoquent des troubles sur certains points de l’île, les moyens de police dont disposent les indigènes doivent suffire à les réprimer sans que nous ayons besoin de faire intervenir nos troupes. Les sacrifices exigés par l’expédition de Madagascar auront été considérables, nos pertes sensibles, mais il est juste aussi de constater que jamais expédition coloniale n’aura pris fin avec autant de rapidité et de netteté. »

Cet optimisme se trouvait encouragé par un incident de palais, où la reine Ranavalo avait sans doute commencé par résister, sauf à céder ensuite, aux incitations du général Duchesne, mais, croyait-on, pour des motifs exclusivement féminins, n’ayant rien de commun avec la politique. L’ancien premier ministre, Rainilaiarivony, dont nous avions eu tant à nous plaindre, avait été incarcéré dès l’entrée des troupes françaises à Tananarive[1]. Il y avait lieu de lui choisir un successeur, et voici le récit pittoresque, quoique officiel, que fit le commandant en chef des péripéties de ce choix[2] :

« Le nouveau premier ministre, Rainitsimbasafy, est bien accepté de la population. Par contre, j’ai eu assez de peine à décider la reine. Vous savez qu’ordinairement, à Madagascar, le premier ministre est l’époux de la souveraine, bien que la loi malgache ne prescrive rien d’obligatoire à ce sujet. Or, M. Rainitsimbasafy est un homme déjà âgé, obèse et n’ayant rien de séduisant au point de vue physique. Aussi Sa Majesté faisait-elle la grimace et a-t-elle posé à différentes reprises la question de savoir si elle serait obligée d’avoir avec lui des rapports personnels. J’ai dû lui donner l’assurance qu’il n’en serait rien et elle a consenti, enfin, après de longs pourparlers, à accepter notre candidat, mais il m’a fallu, en sa présence, spécifier à M. Rainitsimbasafy qu’il n’habiterait pas avec la reine et qu’il ne devait pas se considérer comme un mari ayant des droits sur elle, ce que l’interprète a traduit en lui disant qu’il serait seulement son premier ministre « fotsy », c’est-à-dire un premier ministre (c à blanc. » Devant ces assurances, la reine a donné son consentement après une conférence

  1. M. Laroche l’enroya spontanément en Algérie dans le courant de février 1896. Il y mourut le 17 juillet suivant.
  2. Même rapport du 22 octobre.