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IV

Lorsqu’une question est résolue, et que la solution intervenue a donné satisfaction aux intérêts, aux idées et aux sentimens qui étaient en conflit, on est fort tenté, en général, de croire que ses promoteurs n’ont éprouvé aucune difficulté à la concevoir ni rencontré aucun obstacle à la faire prévaloir. Et de fait, vus dans la perspective toujours un peu brumeuse du passé, la plupart des événemens apparaissent comme logiquement enchaînés à ceux qui les ont précédés, et conduisant fatalement à ceux qui les ont suivis. Il n’en va pas précisément ainsi dans la réalité : quiconque a jamais été mêlé à l’action publique et a ressenti ses responsabilités et ses angoisses sait qu’il y a des heures où l’on a l’impression aiguë que, selon que l’on infléchira dans un sens ou dans l’autre, une série de conséquences visibles et d’autres imprévues se produiront ; où, dans la contrariété des témoignages, il est fort malaisé de discerner sa voie ; où enfin, une fois un plan tracé, il est difficile de rencontrer l’artisan ou les artisans de son exécution. Si l’on ajoute à cela l’éloignement où le ministre des Colonies se trouve placé, par la force des choses, des élémens qu’il doit manier ; l’impossibilité où il est d’entrer en contact direct avec les hommes et les événemens, l’obligation pour lui de ne juger les uns et les autres qu’au travers de rapports écrits qui doivent être interprétés en tenant compte du caractère plus ou moins exalté de leurs auteurs, la lenteur des communications[1], l’impuissance d’être rapidement renseigné et obéi, on sera mieux à même d’apprécier le milieu tout spécial où se meut ici la direction gouvernementale.

  1. Les télégrammes de ou pour Tananarive devaient encore à cette époque être remis à Tamatave, qu’aucun câble n’reliait ni à Majunga ni à Port-Louis de Maurice. Il fallait souvent deux ou trois semaines pour qu’ils parvinssent à destination.