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qu’il avait revêtue : ils espéraient que du désarroi général ne pourrait résulter qu’une amélioration de leur position matérielle et morale.

Ce mécontentement, soigneusement entretenu par les intérêts que la domination française semblait plus directement menacer, rencontrait dans les couches profondes de la population l’écho des passions idolâtres ou fétichistes. On a beaucoup disserté, et l’on dissertera beaucoup encore, apparemment, sur la sincérité et la solidité de la foi chez ceux des Malgaches qui se sont convertis au christianisme en se plaçant soit sous l’égide des protestans, soit sous celle des catholiques[1]. Toujours est-il que les défaites militaires avaient eu pour premier et très significatif résultat d’exciter un réveil prononcé du fétichisme. Dans les destructions d’édifices religieux auxquelles procéda l’insurrection, les coups furent répartis entre protestans et catholiques dans la proportion même où les deux confessions se partageaient la clientèle locale : deux tiers des premiers contre un tiers des seconds. Les prêtres d’idoles allaient, en effet, répétant en tous lieux que, si le pays avait été envahi par les blancs, cela tenait à l’abandon et au dédain où l’on avait laissé la religion des ancêtres. Il fallut de nombreuses et sanglantes expériences pour prouver aux imaginations mobiles des indigènes que les amulettes ne protégeaient pas mieux les combattans contre les balles ennemies que ne l’avaient fait les scapulaires ou les tracts.

L’intérêt de caste et la réaction antichrétienne avaient ainsi fourni aux habituelles et périodiques déprédations[2] un appoint assez fort pour que, de simple opération de brigandage au début, l’agitation se fût rapidement transformée en insurrection politique proprement dite. Et, contre l’assaut combiné de ces mobiles variés, les vieux cadres de l’administration hova n’étaient plus à même de résister. Rainilaiarivony n’était plus là pour les mener avec sa rudesse habituelle. Son élève Rasanjy n’occupait encore que des fonctions secondaires et était plus préoccupé de se défendre contre les intrigues de cour que de se compromettre pour le service des Français, qu’il sentait faibles et incertains. Dans les provinces, le désarmement opéré par le général Duchesne,

  1. La question religieuse et celle des rivalités entre confessions chrétiennes sera traitée plus loin.
  2. Tous les ans, à l’approche de la saison sèche, et après avoir fait leurs propres récoltes, les fahavalos de la périphérie de l’île avaient coutume de remonter vers les plateaux pour y voler des bestiaux.