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et qui avait été effectué, non pas par les Français eux-mêmes, mais par des intermédiaires indigènes, avait, comme par hasard, laissé les braves gens sans défense et les mécréans armés. La police locale elle-même n’existait plus et, notamment, on ne voyait plus fonctionner, contrairement aux plus antiques traditions locales, la responsabilité collective des villages, avec la faculté pour eux d’emprisonner ou de livrer à l’autorité centrale les individus suspects de mettre quelque jour en jeu cette responsabilité par leur mauvaise conduite. L’ancien système s’était écroulé : aucun autre ne lui avait été substitué ; si bien qu’à toutes les causes de troubles déjà existantes venait encore s’ajouter celle-ci que, dans les régions autres que l’Emyrne, les autochtones, toujours plus ou moins disposés à secouer le joug ho va, pouvaient, avec quelque apparence de bonne foi, se figurer qu’ils seraient agréables à la France en achevant de détruire ce qu’elle ne semblait nullement disposée à maintenir.

Tels étaient les faits, — moins connus alors dans leur détail qu’ils n’étaient soupçonnés dans leur ensemble, — qui fournirent le texte des instructions données, aux dates des 6 et 8 août 1896, au général Gallieni et au résident général.

La loi d’annexion, aussitôt promulguée dans l’île, devait avoir pour conséquence immédiate de substituer des arrêtés du résident général aux lois de la reine Ranavalo : tout au plus celle-ci aurait-elle, au même titre que les autres chefs de tribus indigènes, à « communiquer » les décisions de l’autorité française à ses sujets. « La loi du 6 août fait entrer Madagascar dans notre domaine colonial, et vous avez désormais à conformer tous vos actes à l’esprit de cette loi, qui coupe court à toute hésitation dans la politique à suivre. Vous n’avez pas à songer à administrer directement un pays aussi vaste, mais bien à utiliser également tous les élémens de gouvernement que vous offre l’organisation sociale des tribus de l’île en tenant compte de leur diversité de races[1]. » À cette affirmation de la souveraineté française étaient jointes des prescriptions étroites relatives à l’unité de direction : le commandant en chef ne devait correspondre qu’avec le ministre des Colonies ; il ne pouvait le faire que par l’intermédiaire du résident général, lequel était tenu de transmettre les rapports originaux, en les accompagnant ou non de ses observations. Et,

  1. Dépêche du 8 août au résident général.