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et, dans ces crises-là, ils n’écoutent pas plus les conseils de la raison qu’un amoureux de vingt ans.

Cependant Louis-Philippe et la majorité s’arrêtèrent à temps dans la voie d’une politique qui conduisait à la guerre européenne : le traité du 15 juillet 1840, les événemens qui suivirent, dissipèrent les illusions qu’on s’était forgées sur Méhémet-Ali. Par la convention du 13 juillet 1841, la France rentra dans le concert européen. Avoir contribué à ce que l’affaire d’Egypte reçût une solution opposée aux vœux du gouvernement français, ne suffisait pas au tsar : notre isolement cessait trop tôt, nous obtenions, à son gré, trop de ménagemens et d’égards. Trois mois après la convention du 13 juillet, le comte Pahlen, son ambassadeur à Paris, vint trouver M. Guizot, ministre des Affaires étrangères, et lui annonça que l’empereur lui ordonnait de se rendre à Saint-Pétersbourg, sans doute afin d’éviter que, le 1er janvier suivant, il ne dût complimenter le roi au nom du corps diplomatique dont il était alors le doyen. Le comte Pahlen ne donnait, M. Guizot ne lui demanda aucune explication, mais il riposta en retenant à Paris Barante, qui s’y trouvait en congé de trois mois. M. Casimir Perier, premier secrétaire de l’ambassade de France à Pétersbourg, reçut l’ordre de rester chez lui le jour de la Saint-Nicolas, et de répondre à l’invitation du comte de Nesselrode en alléguant une indisposition : de 1842 à 1848, il n’y eut plus, entre la France et la Russie, que des chargés d’affaires.

Resté ambassadeur en titre et en droit, sinon en fait, Barante prend une part de plus en plus active aux travaux de la Chambre des pairs et de l’Académie française ; il revient à ses travaux littéraires, qu’il n’avait jamais abandonnés (c’est à Turin qu’il écrivit sa jolie nouvelle de Sœur Marguerite), préside la société de l’Histoire de France. La révolution de 1848 l’ayant rendu à la vie privée, il publie successivement l’Histoire de la Convention, le plus faible de ses ouvrages, pour protester contre les chimères socialistes, puis l’Histoire du Directoire, la Vie politique de Royer-Collard, la Vie de Mathieu Molé, quatre volumes de Mélanges où il a recueilli ses principaux articles de revue. Allant de moins en moins à Paris, il vit beaucoup à Barante, et travaille jusqu’à la dernière heure, faisant le bien par ses livres, ses exemples, ses conseils, sa charité. Il s’éteignit doucement le 21 novembre 1866, entouré de sa famille, et fut escorté jusqu’à sa dernière demeure