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voici que des profondeurs du gouffre une voix s’élève, entonnant la célèbre complainte des Trois matelots de Groix.


Il vente ! ...
C’est le vent de la mer qui nous tourmente.


Nous écoutons, frémissans, la poitrine oppressée d’une indicible angoisse. Elargie, amplifiée, décuplée par un écho fantastique, la voix n’est plus une voix, mais tout un chœur, l’infini lamento des Ames vouées à toutes les détresses du vent, de la mer et de la mort.

C’est avec une impression de soulagement que nous quittons ces lieux redoutables. Un vallon sauvage fait brèche dans le rempart des falaises. L’herbe y est d’une douceur de velours ; un filet d’eau courante glisse parmi les menthes et les sauges amères, avec un chuchotement discret. La pente aboutit à une crique de sable multicolore au fond d’un fiord enchanté. Il semble que l’Atlantique se soit plu à sculpter cet abri pour quelque Océanide éprise de silence et de repos. La solitude y est éternelle. Les goélands eux-mêmes respectent l’inviolabilité de ces parages. Chateaubriand dirait que le Génie du calme en a fait sa demeure. Les Grésillons désignent cette retraite sous le vocable de Port-Saint-Nicolas, mais pour rien au monde ils n’y aventureraient leurs barques. Une sorte de prohibition mystérieuse les en tient éloignés. Une fée, croient-ils, habite là, celle-là même, je pense, qui a donné son nom à leur île et dont on voit encore, les nuits de lune, onduler le beau corps souple au bercement des houles endormies.


II. — A TRAVERS « LE GOLFE »

Que je sais donc de gré à l’Union régionaliste bretonne d’avoir fait figurer cette « Excursion sur le Golfe » dans son programme ! Le rendez-vous est à 6 heures précises du matin, sur la Rabine. Au petit jour, nous dévalons, par bandes, de la haute ville à travers les vieilles rues vannetaises, encore ensommeillées. L’aube, dans le pur ciel d’août, est d’une grâce toute mythologique ; elle se dévêt avec une langueur charmante, laisse tomber une à une ses mousselines argentées, tissées des brumes de la nuit.

Un steamer, mandé de Belle-Isle, nous attend à quai. On dirait,