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dans des conditions qu’aucun autre État européen ne pourrait supporter : mais l’étude de la nature nous montre la vie triomphant partout, même là où on l’aurait crue à priori impossible, et, grâce à Dieu, l’Autriche est très vivante. Elle ne serait vraiment menacée que si l’ambition d’autres puissances cherchait à se satisfaire à ses dépens, et, alors même, peut-être le sentiment du danger encouru réconcilierait-il les races qui la composent contre l’ennemi commun, quel qu’il fût. En tout cas, ce danger n’existerait que si l’Allemagne le provoquait : sinon, l’Autriche n’aurait à redouter des autres puissances aucune initiative dangereuse pour elle. Voilà pourquoi la manière dont l’empereur François-Joseph a été traité à Berlin a une signification qui rassure. On dira peut-être que ces hommages s’adressaient à l’homme, et que, par conséquent, sa disparition n’en sera un jour que plus inquiétante. Mais cela n’est pas vrai. Lorsque Guillaume II exprime le désir que, pendant de longues années, ou, pour mieux dire, pendant plusieurs générations encore, l’amitié des empereurs d’Allemagne et d’Autriche se maintienne sans altération, il émet un vœu qui s’étend plus loin que la vie de François-Joseph, et nous croyons que ce vœu est sincère. L’intérêt de l’Allemagne n’est pas aujourd’hui et ne sera pas demain dans de nouvelles conquêtes continentales ; il sera plutôt dans la conservation d’une Autriche qui continuera de contenir un important élément germanique. Sans doute, tout cela peut changer ; les mêmes vues peuvent ne pas persister chez les mêmes hommes, et l’histoire nous offre trop souvent des exemples de ces variations plus ou moins rapides pour qu’il faille toujours les regarder comme possibles ; les traditions les mieux établies peuvent être brusquement renversées par un souffle de révolution ; rien enfin, dans les édifices humains, n’est plus ferme, ni plus immuable que l’humanité elle-même. Mais enfin l’Autriche ne nous parait pas de sitôt menacée de l’effondrement que lui prédisent des publicistes à l’imagination impatiente ; et si François-Joseph, à Berlin, a dû renoncer à quelques souvenirs du passé, il a pu en emporter pour son pays de sérieuses espérances d’avenir.

Il a trouvé à Vienne des préoccupations immédiates qui suffisent il absorber pour le moment toutes ses pensées. Le Reichsrath vient de se réunir, et déjà toutes les difficultés qui avaient amené, il y a quelques mois, la suspension de ses travaux se présentent plutôt aggravées qu’atténuées. Elles s’aggravent inévitablement par le fait même qu’elles se prolongent, et que tous les essais qu’on a tentés pour les résoudre ont été et sont encore impuissans. On ne compte plus les