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italienne, le Piémont, et l’Empereur qui les protégeait, Lacordaire déçut ; il se contenta de quelques paroles sonores, en passant, sur « l’ingratitude sacrilège qui, en 1848, avait récompensé les dons du Père commun des âmes, » et sur la France opposant « aux armées d’une démocratie trompeuse ce don de vaincre qui lui fut accordé par Dieu le jour même où Clovis, son premier roi, courba la tête devant la vérité. » Guizot s’étonna qu’il eût si peu dit : « Vous avez exhalé votre éloquente indignation contre l’ingratitude qu’a rencontrée ce Pape généreux et doux qui s’est empressé d’ouvrir à ses sujets la carrière des grandes espérances, et qui les y eût heureusement conduits si la bonté des intentions suffisait à gouverner les hommes. Est-ce là, monsieur, tout ce qu’en présence de ce qui se passe vous pensez et sentez sur la situation de l’Église, et regardez-vous l’ingratitude populaire comme la plus dure épreuve que son auguste chef ait maintenant à subir ? Non, certainement non ; mais, après avoir touché à cette plaie vive, vous vous êtes arrêté ; vous avez craint d’envenimer en enfonçant. » Et, suppléant au silence du prêtre, le politique enfonça, enveloppant ses anathèmes contre Cavour et le Piémont d’une violence contre Napoléon Ier et d’une parole dédaigneuse contre Benjamin Constant, dont le moindre écrit politique contient plus d’idées profondes et originales que tous les siens.

« Monsieur, lui dit l’Impératrice, quand il la reconduisit Si sa voiture, à la tête du bureau, je vous ai beaucoup écouté et admiré. » — « C’est égal, disait Dupin en sortant, c’est toujours le laïque qui a le pompon. » — Et Sacy : « Nous venons d’entendre un faux moine reçu par un faux protestant. » — L’Empereur, dans son audience, eut un mot gracieux pour Guizot, parla à Lacordaire de son éloge du général Drouot et lui rappela que l’Impératrice l’avait autrefois entendu à Bordeaux avec grand plaisir. Décidément, on ne courait pas de risque à braver ce Tibère.

L’opposition mondaine n’eut garde de ne pas profiter de la représentation à l’Opéra de Tannhauser. L’œuvre de Wagner suscitait une inimitié purement artistique. Elle n’était soutenue que par quelques littérateurs plus ou moins connus : Baudelaire, Gasperini, Leroy. Parmi les maîtres de l’art musical, elle n’avait qu’un patron déclaré, Liszt, alors à Weimar. Les critiques, dont le jugement faisait loi sur un public encore peu instruit, le combattaient. Scudo, de la Revue des Deux Mondes ne comprenait que la musique italienne ; il avait eu de la peine à accepter Meyerbeer ;