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amis, au contraire, par intérêt véritable, voulaient les retenir. D’autres les raillaient et parlaient de leur projet avec dérision. Et, si beaucoup cherchaient à les décourager, il n’y avait personne pour les encourager. Mais les Boers étaient des hommes résolus : qu’ils fussent compris ou non, il leur importait peu ; ils avaient décidé de quitter pour toujours la colonie. Certes il leur en coûtait : le pays de leurs pères leur était cher, en dépit de tout ce qu’ils y avaient souffert. Mais, chez les Boers, il y a un sentiment plus puissant que l’amour du sol natal, c’est l’amour de l’indépendance.

Les Voortrekkers eurent alors à choisir la contrée où ils transporteraient leurs foyers. Avides de la vie libre et insouciante du désert, ils jetèrent tout d’abord les yeux vers les sauvages contrées du Nord, dont ils avaient entendu vanter par les chasseurs Griquas et par leurs propres esclaves les plaines fertiles et giboyeuses, que jamais le pied des blancs n’avait foulées. Mais, avant de s’engager dans l’aventure, ils voulurent, en hommes prudens et prévoyans, s’assurer si le pays convenait pour un établissement, si l’élève du bétail et la culture y étaient possibles. Ils envoyèrent dans différentes directions trois commissions d’exploration, pendant l’absence desquelles éclata la guerre cafre, qui précipita les événemens. Des différentes contrées explorées, ce fut le Natal qui fut représenté comme la plus favorable à un établissement, et les Voortrekkers la désignèrent finalement comme leur terre promise. Le pays était dépeint comme étant d’une merveilleuse beauté, avec des paysages enchanteurs, des montagnes ondulées, de charmantes vallées, de vertes campagnes couvertes d’herbages opulens. Le Natal, découvert le 25 décembre 1497 par Vasco de Gama, n’avait été visité que de loin en loin par les Européens, et le pays n’appartenait à aucune nation civilisée lorsque les Boers résolurent de s’y établir.

Avant d’entreprendre leur long voyage vers la contrée inconnue, les Vortrekkers vendirent leurs maisons à des prix dérisoires. Comme ils allaient s’avancer dans le désert, il leur fallait tout emporter avec eux, vétemens, vivres, couvertures, fourrages, armes et munitions. Il leur fallait surtout des chariots et des bœufs, et tous les accessoires d’attelage. Tandis que les hommes s’occupaient à cette besogne, les femmes travaillaient à la confection des tentes, à la préparation des langues de bœuf, du biscuit, à l’achat de la farine, du riz, du sucre, du café, du