Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 159.djvu/676

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cependant : ils étaient enfoncés dans le sable et je les ai trouvés intacts, contenant encore les provisions qu’on avait mises dedans ; c’est ainsi que j’ai recueilli de très anciens spécimens de céréales, de fruits, de matières grasses, d’encens qui a conservé tout son parfum. Je fis même une expérience fort curieuse sur le contenu d’un grand vase qui avait été trouvé brisé : j’y mis le feu et la matière grasse qu’il contenait brûla pendant toute une journée. Ces vases de terre ferrugineuse portaient inscrits sur leur panse le nom de l’offrande qui y était déposée et quelquefois le nom du propriétaire, toujours un Pharaon, pour lequel on les avait placés à l’endroit où on les retrouvait. Quelques-uns d’entre eux étaient lûtes, c’est-à-dire recouverts d’un grand bouchon en terre ayant la forme d’un cône, avec une assiette en terre grossière au milieu de la partie inférieure, à l’endroit où il s’adaptait au vase à fermer. Ces cônes singuliers et très lourds portaient l’estampille des propriétaires auxquels ils appartenaient et ces estampilles contenaient le nom et les titres du Pharaon auquel ils avaient été destinés. C’est en réunissant tous ces renseignemens les uns aux autres que je suis parvenu à rassembler les seize noms de souverains inconnus qui furent mis au jour dès la première année des fouilles.

Les fragmens de vases en pierre dure trouvés pendant toutes ces fouilles sont des plus intéressans, car ils prouvent à quelle grande habileté les hommes d’Egypte étaient dès lors parvenus. Non seulement la forme est déjà très avancée vers la beauté idéale, et c’est à peu près la même que celle à laquelle nous sommes habitués, mais ceux qui les ont faits étaient déjà passés maîtres dans l’art de tailler le marbre, l’onyx, le porphyre, le jade, la diorite et les pierres volcaniques. Ils les décoraient aussi du mieux qu’ils pouvaient, et il faut avouer que ce mieux était parfois très bien. Et ce n’était pas en passant qu’ils décoraient ainsi ces vases en pierre dure : ils répétaient la même décoration sur des vases de divers types ou de diverses grandeurs, ayant toujours soin qu’elle cadrât avec la forme du vase. Ils étaient de la plus grande adresse à choisir dans la matière qu’ils avaient sous la main les côtés les plus aptes à bien faire apparaître les veines lumineuses ou délicates.

Ces fragmens suffiraient à eux seuls pour prouver l’habileté des artistes égyptiens à cette époque ; mais d’autres monumens sont venus prouver que ces artistes ne reculaient devant aucune