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cochenille. On désigne par ce nom, à la fois la matière tinctoriale et l’animal qui la produit.

Les cochenilles et kermès forment un genre d’insectes hémiptères, voisins des pucerons, et qui vivent comme ceux-ci sur les feuilles d’un grand nombre de végétaux. La plupart des espèces chenilles ne sont, par elles-mêmes, d’aucune utilité ; et, par contre, elles nuisent beaucoup aux plantes sur lesquelles elles vivent, à l’olivier, au figuier, à l’oranger. Mais il y en a un petit nombre qui possèdent la propriété de produire dans leurs tissus des substances colorantes rouges du plus bel éclat. Quelques-unes de ces espèces sont originaires d’Europe et ont été utilisées de tout temps pour la teinture ; telle est la cochenille de Pologne qui vit sur les racines de la tormentille ; et la cochenille du chêne vert qui se rencontre dans le midi de la France et en Orient. Mais cette utilisation était condamnée à rester toujours très limitée ; elle ne serait pas arrivée à constituer une véritable industrie, si l’on n’avait connu la cochenille du nopal. Celle-ci est originaire du Mexique : elle vit sur la variété de cactus appelée nopal. Sa propagation constituait une branche importante d’industrie agricole qui a été particulièrement florissante au Mexique et, plus tard, dans le Honduras et le Guatemala. Elle y subsiste encore ; mais amoindrie. Les procédés sont restés ce qu’ils étaient, mais ils sont appliqués avec plus de soin.

On faisait de grandes plantations de cactus nopal ; et, au retour de la belle saison, on déposait sur les feuilles en raquette de ce végétal des femelles de cochenille provenant de la récolte précédente. Après qu’elles ont pondu et produit des milliers de petites chenilles, on répartit celles-ci sur toute l’étendue de la plantation. En un mois ou deux l’insecte ayant atteint tout son développement, on le recueille et on le dessèche. Si la saison s’y prête, on recommence l’opération. On peut obtenir ainsi deux et même trois récoltes en une année.

C’est là, comme on le voit, une forme d’exploitation qui exige beaucoup de soins. Elle était extrêmement rémunératrice autrefois, avant la concurrence des couleurs d’aniline. Aussi avait-elle tendance à se répandre. Elle s’était successivement infiltrée aux Canaries, en Espagne et en Algérie. La découverte de la fuchsine et des matières tinctoriales dérivées de la houille lui a donné un coup dont on pouvait craindre qu’elle ne se relevât point. A la suite de cet événement, le produit, en deux ou trois