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répandue et très rustique. Les feuilles, macérées dans l’eau, contiennent un composé qui est susceptible de fournir par fermentation la matière tinctoriale. La préparation a les plus grands rapports avec celle qui fournit l’indigo. Mais le pastel, quoique capable de fournir une teinture bon teint, est très inférieur à l’indigo. Les Hollandais, qui avaient éprouvé la supériorité du produit exotique, l’importèrent dans toute l’Europe. Ils arrivèrent à en introduire ainsi des quantités considérables, dont la valeur se chiffrait annuellement par plusieurs millions. Ce mouvement continua jusqu’au moment où les cultivateurs de pastel, menacés dans leurs intérêts, se liguèrent, et réussirent, par l’emploi de la violence et de tous les procédés d’agitation les moins légitimes, à faire Interdire la nouvelle matière. Interdiction vaine et qui n’a eu pour résultat que de retarder le moment d’une défaite fatale et définitive. D’ailleurs, la prohibition très rigoureuse ne pouvait pas toujours être maintenue. Lorsqu’il établit la manufacture des Gobelins, Colbert dut autoriser l’établissement à s’approvisionner en indigo.


L’indigotier exotique, l’Indigofera tinctoria, est une plante tout à fait différente du pastel au point de vue botanique. C’est un petit arbuste de la famille des légumineuses qui prospère dans les régions chaudes : dans l’Inde, à Java, en Chine, au Japon, au Brésil, au Mexique et en Égypte. Mais les véritables centres d’exportation sont seulement au nombre de trois, les Indes Anglaises qui, aujourd’hui, fournissent les 5/6 de la consommation européenne, soit 5 millions de kilogrammes ; les Indes Hollandaises qui en envoient presque un million, et l’Amérique centrale qui en exporte seulement 200 000 kilogr. La valeur totale de ces importations est évaluée à 60 millions de francs.

Les feuilles de l’indigotier sont disposées comme celles de l’acacia. C’est d’elles que l’on tire l’indigo, ou pour parler plus exactement la substance génératrice de l’indigo ; car celui-ci ne préexiste pas dans le tissu des fouilles qui est vert, comme d’habitude. Elles contiennent seulement une matière incolore, l’indican, qu’une véritable fermentation transforme, après récolte, successivement en indigo blanc et, enfin, par oxydation à l’air, en indigo bleu, tinctorial.

A parler rigoureusement, l’indigo naturel ne mérite donc pas son nom. Il n’est pas naturel ; il est le résultat d’une élaboration