Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 159.djvu/706

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

point de vue économique, puisqu’il s’agit d’une matière donnant lieu, selon les évaluations les plus modestes, à un mouvement commercial annuel d’une centaine de millions de francs, et que, d’autre part, ce qui est en jeu, ce n’est rien moins que le sort d’une des plus grandes industries agricoles du globe.

Au point de vue de la chimie pure, la question n’était pas moins intéressante. La synthèse de l’indigo était un problème des plus compliqués et des plus laborieux. Elle n’a été réalisée que grâce à la science profonde et au labeur acharné de chimistes, dont quelques-uns, comme M. Bæyer et Heumann, sont du plus haut mérite. Le problème a reçu plusieurs solutions. Toutes n’ont pas la même valeur au point de vue industriel. Cependant, elles ont donné lieu à un nombre de brevets qui n’est pas moindre de 38, et dont la plupart ont été pris, dans ces dernières années, par la Société badoise. On en trouvera la liste dans l’ouvrage de M. Jaubert[1].

Les synthèses de l’indigo se rangent dans trois groupes, suivant leur point de départ. Les unes partent des dérivés nitrés de la série benzénique (synthèses de Bæyer et de Reissert). Une seconde série procède des dérivés benzéniques bi-substitués avec le groupe amide (Heumann, Frankel et Spiro) ; la troisième série a son origine dans l’acide anilido-acétique (synthèses de P.-J. Meyer, Vorlaender, Lederer).

Il semble que, de toutes ces méthodes, il n’y en ait que deux seulement qui soient utilisées actuellement dans l’industrie, celle de Bæyer et celle de Heumann. La première donne des rendemens considérables et son essor n’est ralenti que par le prix élevé de sa matière première, l’aldéhyde benzoïque orthonitrée. Tous les efforts portent actuellement sur les moyens d’obvier à cet inconvénient, et l’on ne peut tarder beaucoup à y réussir.

A l’exposition de Chicago en 1893, la Société badoise a présenté aux visiteurs une collection d’indigos artificiels, préparés par les différentes méthodes qu’elle a fait breveter ou dont elle est cessionnaire. Elle a commencé dès lors à livrer au commerce, sinon cet indigo lui-même, du moins les matériaux qui permettent de le produire sur la libre à teindre. C’est du reste de cette manière que l’on procède aussi dans l’industrie des couleurs d’aniline. Les fabriques livrent aux teinturiers les élémens de la matière tinctoriale plutôt que la matière elle-même.

  1. La garance et l’indigo, par G.-P. Jaubert, Encyclopédie scientifique.