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rendu hommage, mais qui a eu mi moment d’égarement. Il a commis une faute grave ; et, qu’on ait eu l’idée de l’en glorifier, c’est une preuve de plus du désordre des esprits ! Avec de tels principes, il n’y aurait plus de discipline, et par conséquent plus d’armée. Un officier n’a pas le droit de mettre son sens personnel au-dessus de celui de ses chefs, et encore moins de disposer des pièces et des documens qui sont confiés à sa discrétion dans l’exercice de ses fonctions. Le colonel Picquart l’a fait, nous ne l’avons pas approuvé ; le capitaine Fritsch l’a fait à son tour, nous ne l’approuvons pas davantage. Il a été mis en disponibilité par retrait d’emploi. Pour en revenir à ces pièces, c’est-à-dire aux lettres d’un agent nommé Tomps, le général de Galliffet ne les connaissait pas au moment où a eu lieu la première discussion à leur sujet : il en a nié l’existence. M. Waldeck-Rousseau les ignorait-il également ? En tout cas, il ne les a pas avouées, et les explications qu’il a fournies à la Chambre ont été des plus confuses : il a pris la défense de l’agent Tomps et l’a couvert absolument. La séance une fois levée, il a fallu revenir sur toutes ces déclarations. Le général de Galliffet, à peine rentré à son ministère, s’est fait apporter le dossier de l’affaire et y a trouvé les lettres en question : il est trop loyal pour n’avoir pas reconnu tout de suite non seulement son erreur, mais la nécessité de la rectifier. M. le Président du Conseil a pu s’apercevoir de son côté que l’affaire se compliquait beaucoup. Il s’est empressé d’infliger une demi-disgrâce à l’agent Tomps en le changeant de service, non pas qu’il le reconnût coupable, mais parce qu’il l’avait, a-t-il dit, trouvé « trop nerveux. » Ces explications ont été données au Luxembourg, milieu plus calme que celui du Palais-Bourbon, et où elles pouvaient se produire plus facilement. Le Sénat a écouté avec quelque stupéfaction un roman de policiers où il n’a pas compris grand’chose, et il a appris avec un pénible serrement de cœur l’indiscrétion d’un officier. M. le ministre de la Guerre a qualifié, à une double reprise, cette indiscrétion de « crime. » Le mot a paru dur. Néanmoins, il a passé. Le général de Galliffet, on le sentait en l’écoutant, ne voulait pas charger outre mesure l’officier qu’il avait été obligé de frapper, n lui avait rendu justice dans le passé. Il avait eu des paroles de regret au sujet de la décision que l’intérêt supérieur de la discipline lui avait imposée à lui-même. Il fallait s’en tenir là. Mais, si M. le ministre de la Guerre l’a fait au Sénat, il s’en faut de beaucoup que M. le Président du Conseil l’ait fait, à son tour, à la Chambre. Deux ou trois jours après, à la fin d’une séance qui avait été un peu traînante, et où le général de Galliffet avait fourni