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Il espérait trouver le juste milieu. Et voici comment : le roi règne et gouverne, dirige la politique, choisit ses ministres et les congédie, déclare la guerre de sa propre volonté ; au-dessous de lui, pas de conseil homogène et solidaire ; chaque ministre, en rapport direct avec le roi, administre en toute liberté son département ; le titre de premier ministre impose un plus grand poids de responsabilité, il ne confère aucun de ces pouvoirs en quelque sorte souverains, attachés en Angleterre à cette qualité. Le premier ministre peut adresser à ses collègues des conseils ou des prières, il n’a aucun ordre à leur donner ; le roi est le véritable ministre président, le seul qui ait le pouvoir de prescrire à tous et à chacun. Le premier ministre exerce-t-il une influence prépondérante, il le doit à ses qualités personnelles, non à l’ordre constitutionnel ; contresignés par lui, les actes du gouvernement n’en restent pas moins des résolutions royales spontanées. Les deux Chambres, égales en droit, nonobstant la différence de leur origine, votent les lois et le budget, contrôlent l’administration, limitent le pouvoir de gouverner du roi, ne le suppriment pas. Interprètes de la pensée personnelle du roi, les ministres ne relèvent que de lui ; dès qu’ils ont sa confiance, celle des Chambres leur est inutile ; elles n’ont pas prise sur leurs personnes, et il n’entre dans leur compétence politique ni de les désigner ni de les renverser ; elles n’ont à se prononcer que sur leurs actes. — C’est la conception du pouvoir présidentiel américain appliqué à une monarchie.

Les libéraux prussiens opposaient à cette théorie les principes de la constitution anglaise sur l’inviolabilité royale, la responsabilité ministérielle devant le parlement, la prépondérance de la Chambre des députés à laquelle doit appartenir le dernier mot. Ils admettaient qu’en cas de dissentiment, soit entre les deux Chambres, soit entre elles et la Couronne, le roi pût en appeler au pays par une dissolution, mais si le pays se rangeait du côté des députés, il ne lui resterait qu’à congédier ses ministres et à renoncer à ses projets ; l’appui de la Chambre haute ne suffirait pas à infirmer l’effet du verdict national.

Le Roi marqua sans se lasser sa double volonté de respecter les libertés publiques et de ne jamais se plier au régime parlementaire anglais. Une association à l’instar des comités garibaldiens et mazziniens s’étant fondée après 1859, sous le titre de National-Verein, dans le dessein de reprendre l’œuvre de l’Unité