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dépassement notable dans les évaluations premières. Par bonheur, une fois le drapeau engagé et quand il s’agit de pourvoir à l’entretien de nos soldats, le Parlement ne se montre pas trop avare des deniers publics : chacun voyait que la nécessité avait commandé des mesures autres que celles tout d’abord prévues ; lorsque la carte à payer de ce chef fut présentée aux Chambres après la clôture de l’exercice, nul ne la discuta ni ne la contesta.

Tout autre était la position pour les dépenses civiles. Lors du départ de M. Laroche pour Madagascar, le résident général avait reçu ordre de préparer le budget local en faisant état d’une subvention de 2 760 000 francs de la métropole : deux millions provenant des crédits jadis inscrits au ministère des Colonies pour les établissemens de Diego-Suarez, Sainte-Marie et Nossi-Bé ; le surplus naguère affecté par le quai d’Orsay au protectorat proprement dit. Par une de ces fantaisies qui lui permettent de se poser auprès des contribuables en défenseur vigilant de ses intérêts et de compenser pour partie les largesses électorales qu’il fait souvent par ailleurs, le Parlement avait, encours de route, et alors que les dépenses étaient déjà engagées, supprimé un tiers de cette subvention. D’un autre côté, l’insurrection, en se généralisant, avait eu pour résultat presque immédiat d’arrêter l’essor du commerce, voire de suspendre les travaux agricoles, ce qui entraîna un fort ralentissement dans les recettes douanières en même temps que l’impossibilité de recouvrer les taxes indigènes dans de vastes régions où la disette força même d’introduire des quantités » considérables de riz de Cochinchine. Enfin, le cabinet Léon Bourgeois avait très sagement envisagé qu’une des conséquences prochaines de l’expédition devait être de permettre au gouvernement hova la conversion, sous la garantie de la France, de certain emprunt contracté par lui en 1886 auprès du Comptoir d’escompte : avec l’économie qui en proviendrait dans le service des annuités, on allégerait les charges du budget local ; avec une soulte qu’on avait ménagée dans cette opération financière, on devait pourvoir à quelques travaux publics de première installation particulièrement indispensables. Comme ces travaux pressaient, on avait autorisé M. Laroche à en commencer quelques-uns avant même que la loi de conversion eût été votée par les Chambres. Or la session ordinaire de 1896 s’était achevée sans que ce vote fût intervenu.

Pour parer aux mécomptes causés par ces multiples accidens, on avait, comme on dit, fait flèche de tout bois : suspension de