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boutiquiers, gérans de domaines ou domestiques d’intérieur dans les familles de la région. Et, à l’inverse, combien ne se trouve-t-il pas, sinon dans les capitales, du moins dans les villes de province, de véritables paysans, vivant du travail du sol ? Or, que penser, au point de vue de notre classement, de ces anomalies si fréquentes ?

Pour nous, nous croyons qu’elles se résoudront d’elles-mêmes si, dans la détermination qui nous occupe, on part, non pas de la notion du domicile, mais de celle de la profession. Il est évident, en effet, que l’on est campagnard ou citadin à raison surtout du genre de travail auquel on s’adonne et non de la localité que l’on habite. À ce compte, au lieu de mettre en opposition, d’une manière générale, la campagne et la ville, il sera plus juste de distinguer, d’un côté, l’exploitation du sol, et, de l’autre, les occupations d’un autre ordre.


I

La perturbation démographique que nous traversons provient de ce que, de plus en plus, les populations rurales délaissent leur état et affluent vers les centres ; voilà le fait, mais comment l’expliquer ? « Heureux, s’écriait Virgile, dans le passage fameux où déjà il prenait la défense des campagnes menacées de la défaveur publique, heureux qui peut connaître les causes des choses ! » Ici les causes sont manifestes. Il n’est personne à qui il ne soit arrivé, par son expérience personnelle, d’en saisir au moins quelques-unes. Cependant elles sont multiples, elles s’enchevêtrent de mille manières, et il faut un certain effort d’analyse pour les démêler.

A la réflexion, il apparaît tout de suite qu’il en est de deux sortes : les unes qui sont de tous les temps, qui tiennent à la nature même des champs et de la ville ; les autres qui se rattachent aux circonstances particulières de notre époque. Les villes exercent sur l’esprit du campagnard une sorte de fascination d’une nature spéciale. C’est le séjour de l’élégance. Les gens y sont bien mis, toujours en toilette. Ils savent sans doute marcher, mais ils préfèrent souvent se faire transporter à leur aise. Depuis peu, le tramway a réalisé l’idée de la voiture du peuple, pour toutes les bourses ; mais voici venir encore la bicyclette et l’automobile. Et quelles splendeurs que celles des cités modernes ! Des