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3 ou 4 francs, ce n’est plus la peine. Voici encore le verger qui autrefois était d’un bon rapport. L’année avait-elle bien tourné pour le fruit, la quantité faisait de l’argent. Était-elle au contraire médiocre, il suffisait d’un lot restreint de beaux pommiers ou poiriers pour sauver la situation, parce que les prix étaient alors plus élevés. Il n’en va plus de même aujourd’hui. Par suite de l’importation étrangère, la pauvreté de la récolte n’entraîne plus une amélioration des cours de nature à compenser la petite quantité, et si la récolte est forte, comme c’est là en général une circonstance qui s’étend sur un rayon assez considérable, les prix tombent alors si bas que l’on aimera mieux souvent convertir son fruit en cidre que de le vendre en nature. La betterave sucrière a causé aussi des déboires. La demande a généralement provoqué une offre énorme qui a déprimé les cours, en sorte que la culture de ce produit, fort épuisante du reste, n’est plus demeurée rémunératrice que dans les terres spécialement appropriées, et encore a-t-il fallu parfois les primes officielles pour la soutenir.

Il faut signaler enfin la déchéance de la plupart des industries associées au travail des champs. A l’heure actuelle, pour n’en citer qu’une, l’élevage du ver à soie, entravé par d’exotiques concurrences, ne donne plus que des profits dérisoires, après avoir constitué, en nombre de provinces, une importante ressource secondaire. Bref, beaucoup de choses qui faisaient de l’argent dans les milieux campagnards ne se vendent plus, et cela à un moment où la main-d’œuvre rurale est hors de prix.


III

Voilà bien des faits, on en conviendra, de nature à expliquer la recrudescence de l’exode des campagnes. Et pourtant, à côté des causes directes qui nous ont retenu, il en est d’autres encore, plus lointaines, qui ne sauraient être passées sous silence.

Il y a d’abord ce fait qu’à mesure que les campagnes perdaient leur prestige, celui des villes grandissait. Et, en effet, le début de la crise agricole a coïncidé avec une période de prospérité inouïe dans les annales urbaines. C’est alors que l’on vit, plus que jamais, le commerce et l’industrie, les initiatives financières de toute sorte enfler leurs voiles. La révolution économique déterminée par l’introduction de la machine à vapeur battait son plein. Ce qu’il se faisait de fortunes, dans les milieux