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den, Gérard David, jusqu’à Quentin Matsys ; je l’ai constatée chez leurs ancêtres qui employaient exclusivement la détrempe ; je l’ai surprise chez les primitifs français, Jehan Fouquet, entre autres, — chez les maîtres italiens du Trecento et du Quattrocento : Cimabuë, Giotto, jusqu’à Fra Angelico et Ghirlandajo, et je n’hésite pas à croire que son emploi dans les tableaux est dû uniquement à l’identité primitive de l’art du peintre et de celui du miniaturiste.

Il est donc permis d’avancer que les petites scènes si animées et si justes des enlumineurs flamands ont pu éveiller chez Van Eyck ce profond sentiment de la vérité, cet amour de la vie sous toutes ses formes, ce pouvoir de recréer l’universalité des êtres et des choses qui placent son art si près de nous, tout en lui communiquant une grandeur divine.

Peintre de statues, comme nous l’avons dit, Van Eyck dut sans aucun doute être frappé également par le style très caractéristique des sculpteurs de son temps. Son art s’en ressentit. Les grandes figures de l’Adoration de l’Agneau, les grisailles, entre autres, peintes au revers des volets aujourd’hui à Berlin et représentant saint Jean-Baptiste et saint Jean l’Évangéliste font tout de suite songer à des statues reproduites par le pinceau.

La statuaire flamande, autrement dite bourguignonne, qui précéda Van Eyck, descendait également de l’art français, de cette admirable sculpture des cathédrales de Paris, de Chartres, de Reims, qu’elle avait renouvelée en y introduisant le souci d’un réalisme ferme et puissant. La même évolution, on le voit, s’était produite chez les tailleurs de pierre et les miniaturistes. On ne possède plus en Belgique aucun type de cet art sculptural dont les plus glorieux monumens, exécutés par Claus Slutter, sont conservés à Dijon. Mais nous pouvons affirmer que cette école régnait en Flandre pendant la jeunesse de Van Eyck, et que ses représentans avaient taillé ces fameuses statues de l’hôtel de ville de Bruges recouvertes par le Maître de l’Adoration d’une brillante polychromie et détruites malheureusement plus tard par les briseurs d’images du XVIe siècle.

Si le style de Jean Van Eyck fut influencé par la vue des sculptures franco-flamandes, je suis très tenté en outre de croire que les relations du Maître avec les sculpteurs ne furent pas étrangères à la grande découverte artistique du XVe siècle : je veux parler du perfectionnement décisif que le peintre de l’Ado-