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vous voulez, — pas un rayon de symbolisme. Haensel et Gretel ne disent et ne font pas autre chose que ce qu’ils disent et font. Plus que nos contes à nous, ce conte est sans arrière-pensée, et la bague de Peau-d’Ane n’est pas cachée au fond de ce gâteau allemand. Le poème, je le sais, n’a pas de « dessous, » mais au-dessus des deux petits vainqueurs et de leurs compagnons ressuscites par eux, la musique ouvre un coin du ciel. Sous les caresses de Haensel et de Gretel, les petits bonshommes de pain d’épices reviennent lentement à la vie. Cette vie afflue en eux de partout ; elle ondule, et module à travers un finale admirable d’expansion, de progression, de lumière et de fluidité. Au terme d’un petit chef-d’œuvre, un souvenir des grands nous revient sans trop nous étonner, et quelques enfans, délivrés de leur prison de beurre et de miel, nous font songer aux plus nobles, aux plus sublimes délivrances que Beethoven ou Wagner ait jamais chantées.

Il y a trois siècles bientôt que, par la voix du vieux Schütz, la musique allemande appelle tous ceux qui souffrent, leur promettant de les soulager. Hier, fidèle à une autre parole divine, elle a laissé venir à elle les petits enfans. Elle les a bénis et consacrés. Elle a tout aimé d’eux et tout exprimé : leurs aventures et leurs jeux, leurs dangers, leurs prières et jusqu’à leur sommeil innocent, aussi digne peut-être d’une symphonie, que nos veilles ardentes, en un mot tous les menus faits qui composent leur destinée. Avec autant de sympathie et de bonheur, elle a traduit les menus sentimens qui se partagent leur âme. Il semble qu’elle ait pris et retenu quelque chose d’eux-mêmes, quelque chose de leur grâce et de leur joie, et c’est pour cela que la muse allemande, celle que Henri Heine jadis appelait la bonne fille, pour la première fois depuis longtemps, a souri.


J’espère et déjà même je commence à croire que Mlle Delna (l’ogresse) va retrouver à l’Opéra-Comique la voix et le talent qu’elle y avait laissés. Mlles Rioton et de Craponne sont des amours d’enfans, et M. Messager dirige avec une précision élégante et sans rigueur une œuvre qui, par endroits, ressemble à certaines de ses œuvres.


CAMILLE BELLAIGUE.