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tous les prisonniers mâles sont tués, aussitôt que pris, il ne reste que les femmes et les enfans en bas âge qui vont alimenter les marchés de chair humaine. Il ny a qu'un remède à cet état de choses : c'est la création, dans l’intérieur de l'Afrique, de colonies où l'on fera régner le bon exemple et où les missionnaires iront prêcher la bonne parole. »

Ces témoignages, joints aux nouvelles du triste état dans lequel se trouvaient les noirs affranchis d'Amérique, après la guerre de Sécession, suggérèrent à la Société britannique et étrangère pour l’abolition de l’esclavage l'idée de convoquer à Paris, à l'occasion de l'Exposition universelle de 4867, une Conférence pour aviser aux, mesures les plus efficaces à détruire le fléau. Le gouvernement de Napoléon III accorda avec empressement l'autorisation et les délégués de quatre sociétés : anglaise, américaine, espagnole et française, se joignirent à plusieurs philanthropes d'autres pays pour l'organiser. À défaut du duc Victor de Broglie, empêché par son grand âge, E. de Laboulaye présida les séances du Congrès, où l'on entendit MM. Augustin Cochin et Albert de Broglie, pour la France, W. Lloyd Garrison, représentant des États-Unis, le général Dubois, représentant de Haïti, etc.[1]. L'assemblée vota des conclusions, dans lesquelles elle constatait que les demi-mesures, telles que libération des enfans, système d'apprentissage, émancipation différée, ne faisaient aucun bien. Elle chargeait les comités aboiitionnistes anglais, français, espagnol et américain de renouveler en son nom auprès des souverains du Brésil, d'Espagne, de Portugal, de Turquie et d'Égypte, « les instances les plus énergiques pour l'abolition immédiate et absolue de l'esclavage et de la traite (28 août 1807).»

L'initiative, prise par des philanthropes laïques à la Conférence internationale de Paris (1867), allait être continuée par un évêque français, qui devait jouer un rôle capital dans le mouvement anti-esclavagiste, Mgr  Laigerie. Ce prélat qui, dix années auparavant, avait fondé l'œuvre des écoles d'Orient, fut nommé cette année archevêque d'Alger. Son grand cœur se trouva bientôt à l'étroit dans son diocèse et il ne se borna pas, comme aurait voulu l'y restreindre le gouvernement impérial, à « moraliser les 200 000 colons catholiquesd'Algérie.»Sa charité vraiment apostolique embrassait

  1. V. Revue des Cours littéraires, 28 sept, et 2 nov. 1867.