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des réparations ou indemnités à revendiquer par la suite. L’affaire en est là. Li-Hong-Chang a-t-il fait de sa propre initiative la démarche que nous venons d’indiquer, ou avait-il reçu des instructions dans ce sens ? Ce point reste obscur comme tant d’autres. Si l’impératrice, s’apercevant qu’elle s’est engagée dans un conflit dont le dénouement pourrait lui coûter très cher, voulait revenir en arrière et négocier une transaction avec l’Europe justement irritée, elle ne pourrait pas trouver un meilleur intermédiaire que Li. Mais nul ne sait ce qui s’élabore dans cette tête étroite, perfide et violente. Peut-être n’y a-t-il eu là qu’une velléité destinée à rester sans effet. Peut-être même n’y a-t-il eu qu’un piège. Li-Hong-Chang n’avait-il pas espéré qu’en présentant les choses comme il le faisait, il obtiendrait de l’Europe, à qui il n’a pas craint de le demander, qu’elle suspendit l’envoi de ses renforts ? Toutes les suppositions sont permises.

Ce qui précède intéresse au même degré toutes les puissances de l’Europe, les États-Unis et le Japon : il nous reste à ajouter un mot de ce qui touche plus exclusivement la France.

Nous avons dit déjà, à maintes reprises, que notre champ d’action politique, le domaine dans lequel nous devons développer notre influence, celui où nous aurons sans doute un jour des prétentions à soutenir, n’était pas au nord de la Chine. Non pas que ce qui se passe là nous laisse indifférens. Nous avons partout, en vertu des traités, des droits et des devoirs à exercer. Mais nous ne sommes liés aux affaires du Nord que par ces obligations de solidarité internationale qui s’imposent à toute l’Europe, ou, pour parler plus exactement, à toutes les puissances arrivées au même degré de civilisation. Nous devons faire au nord de la Chine ce que font tous les autres, ni moins, ni plus. Ce serait abdiquer toute influence sur le gouvernement chinois que de ne pas unir nos contingens militaires à ceux de la Russie, de l’Angleterre, de l’Allemagne, etc., et de ne pas prendre part aux opérations qui seront poursuivies en vue de l’intérêt commun. Notre présence est donc indispensable, et il faut approuver le gouvernement de la République des mesures qu’il a prises pour envoyer rapidement des renforts dans les eaux du Pétchili. On a vu combien ils étaient nécessaires. Mais nous avons dû, pour courir au plus pressé, faire des emprunts à nos troupes indo-chinoises, et ce n’est, à coup sûr, pas le moment de dégarnir le Tonkin. Nous y avons en chiffres ronds 26 000 hommes : encore n’y a-t-il là que 9 000 Français ; le reste est composé d’Annamites qui, solidement encadrés, sont d’ailleurs de bons soldats. Ces forces sont à peine suffisantes, soit pour maintenir