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par l’expulsion de ces derniers, ce dénouement ne serait pas de nature à nous enorgueillir. Nous devons, avant tout, pourvoir à la sécurité de nos nationaux, et en particulier, de ceux qui nous représentent à titre officiel : mais, après avoir rempli ce premier devoir d’humanité, d’autres encore s’imposeront à notre diplomatie. Nous avons des traités avec la Chine ; ils assurent, ou du moins ils promettent aux étrangers en général, et notamment aux Français, une situation qu’ils ont très nettement définie. Nos nationaux ont le droit de séjourner en Chine, d’y faire du commerce, de s’y livrer enfin à tous les modes d’activité, sous la garantie des lois du pays. Lorsqu’ils ont obtenu des concessions particulières, soit pour la construction de chemins de fer, soit pour l’exploitation des richesses naturelles de la région, ils ont un titre de plus à la sauvegarde du gouvernement impérial. À quelque nationalité qu’ils appartiennent, lorsqu’ils sont catholiques et qu’ils professent leur religion, ils relèvent plus spécialement de notre protection. De tout cela résultent des obligations du gouvernement chinois envers nous, et ces obligations ne peuvent pas être violées impunément. Il serait téméraire et prématuré de dire comment nous procéderons pour les faire respecter ; mais c’est une tâche devant laquelle nous ne reculerons pas. Elle s’impose d’une manière générale à toutes les puissances. Au Yunnan, nous avons une œuvre propre à remplir.

Cela ne veut pas dire qu’il y ait lieu d’en venir dès aujourd’hui à des mesures extrêmes, d’établir à Pékin un gouvernement nouveau, ni surtout de procéder au partage de la Chine. Les puissances, jusqu’ici, paraissent être parfaitement d’accord : elles cesseraient bientôt de l’être si une pareille politique prévalait dans les conseils de quelques-unes d’entre elles. Ce qui doit d’ailleurs en écarter l’idée, c’est que cette politique serait pour le moment tout à fait inexécutable : on ne voit aucune puissance qui soit à même de l’appliquer. Ensemble, elles sont assurément assez fortes pour imposer à Pékin la stricte observation des engagemens internationaux : hors de là, tout deviendrait dangereux parce qu’elles ne manqueraient pas de se diviser, et que, divisées, elles n’auraient plus les mêmes moyens d’action. La Chine échappera très longtemps encore à leur prise directe et effective, à cause de son étendue et de sa densité. S’il fallait la conquérir, ou, si on voulait la gouverner, l’esprit recule à la pensée des formidables armées que nécessiterait l’accomplissement d’une pareille entreprise ! Les minces détachemens que nous envoyons les uns après les autres à Takou, et de là à Tien-Tsin et à Pékin, seraient bien insuffisans. Il