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bien solide, mais enfin il en a fait un, qui durera ce qu’il pourra, et qui, en attendant, permettra à la nouvelle Chambre de chercher sa voie. Les uns conseillaient à M. Saracco de faire un cabinet Pelloux sans le général Pelloux ; les autres de faire un cabinet qui comprendrait quelques élémens de la gauche constitutionnelle, ce qui aurait peut-être la conséquence heureuse de détacher ce groupe de la gauche plus avancée. M. Saracco a suivi ce dernier conseil, qui était le bon ; mais, soit qu’il l’ait fait avec quelque mollesse, soit qu’il n’ait pas trouvé tous les concours qu’il aurait désirés, son ministère ne contient aucun de ces chefs de file qui entraînent leur parti avec eux. C’est ce qui nous fait craindre que son ministère ne soit qu’un ministère de transition. La tentative n’en est pas moins honorable, et elle mérite d’être accueillie avec sympathie : en réalité, elle l’a été avec quelque réserve. On y a vu un de ces expédiens qui peuvent aider à traverser un pas difficile, mais qui, ne donnant pleine satisfaction à personne, rencontrent naturellement plus de circonspection que d’enthousiasme. On attend à l’œuvre le Cabinet Saracco. Au point de vue extérieur, il est très rassurant. M. Visconti-Venosta conserve le portefeuille des Affaires étrangères. Le roi a insisté personnellement, dit-on, auprès de son ministre, et l’a déterminé à donner son concours au cabinet nouveau comme il l’avait accordé à l’ancien. M. Visconti-Venosta a fait preuve de modération, d’habileté et de sagesse depuis qu’il dirige la diplomatie italienne. Si, par ces qualités, il s’est attiré la confiance du roi, il a obtenu également celle de l’Europe. On sait qu’avec lui, l’Italie ne laissera péricliter aucun de ses intérêts, mais qu’elle ménagera ceux des autres puissances et s’efforcera de les concilier tous. Grâce à son maintien en fonctions, la crise ministérielle n’a eu d’importance que pour l’Italie elle-même. A défaut de la solution des multiples difficultés que le ministère Pelloux a laissées en suspens, le nouveau Cabinet amènera une détente, bien digne d’être appréciée après les émotions de ces derniers temps. Et qui sait si, à force de bonne volonté, de probité et de patience, il n’arrivera pas à se concilier les concours qu’on lui marchande quelque peu aujourd’hui ?


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-gérant,

F. BRUNETIERE.