Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 160.djvu/418

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Malgré l’insuccès final de cette singulière velléité de baiser Lamourette, les rapports continuèrent cordiaux entre les loges de l’est de la France et celles d’Allemagne : Macé, Wolff, Zopff y travaillaient avec toute leur âme. Quelques « frères » de Bade et tous ceux de France voyaient toujours avec chagrin que les Israélites ne fussent admis dans les loges de Prusse qu’avec le titre inférieur de « visiteurs. » Macé, dans l’été de 1869, élabora, de concert avec les maçons du grand-duché et de Hanovre, un message de protestation qu’il fit voter à Metz par le Congrès des Loges de l’Est, et qui fut expédié à tous les ateliers de l’Allemagne. Il déclarait, au début de ce message, que « la Maçonnerie de tous les pays ne fait qu’une grande famille, au sein de laquelle on ne connaît qu’une patrie, l’humanité, et dont tous les membres doivent se sentir solidaires d’un bout de la terre à l’autre. » Et il terminait en conjurant les frères de Prusse de « se prendre corps à corps avec ce dernier reste des prescriptions du moyen âge. » Cette année-là même, le Grand Couvent, réuni à Paris, proclamait à l’unanimité que l’exclusion des Israélites des loges prussiennes était un outrage pour la Maçonnerie et pour l’humanité ; et dans la tendresse qu’éprouvaient toutes les loges de France à l’endroit des Israélites d’Allemagne, il y avait je ne sais quelles réminiscences de ces effusions historiques qui faisaient s’entr’ouvrir à la cantonade les bras des membres de la Constituante pour recevoir les délégués éplorés de toutes les races de l’univers.

Infatigable messager de l’internationalisme maçonnique à travers l’Europe, et se complaisant volontiers, tantôt au rôle de trait d’union entre des démocraties que les monarques et leurs ministres avaient seuls intérêt à rendre rivales, tantôt à la mission de négociateur entre les Israélites de Prusse et les maçons de Prusse, Jean Macé, dans les loges où l’on se piquait de lumière, était réputé comme le maçon par excellence ; elles se disputaient ses visites ; le souvenir en était conservé comme un trophée ; et l’on s’enorgueillissait, comme d’un honneur de famille, de la notoriété qu’il acquérait par son Histoire d’une Bouchée de Pain et par sa collaboration au Magasin d’Éducation et de Récréation fondé récemment par Hetzel. Les profanes appréciaient en lui l’homme de « neutralité ; » les maçons aimaient en lui l’homme d’action cosmopolite ; et le premier de ces deux hommes faisait toujours les affaires du second, et le second, lorsqu’il le fallait, s’effaçait à merveille derrière le premier.