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très claires et très nettes qu’il semble emprunter à la géométrie, mais qui, peut-être pour ce motif même, s’appliquent mal à ce qu’il y a de complexe dans certains problèmes beaucoup plus rapprochés de la morale que de la mécanique. Il s’agit, a-t-il dit au Sénat, de savoir si le ministre est le chef de l’État-major général, ou si le chef de l’État-major général est le chef du ministre. Eh ! non, ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Nous ne sommes pas ici dans le domaine de l’absolu, où se complaît l’esprit rectiligne de M. le président du Conseil, et les choses sont plus délicates qu’il ne le pense. Admettons, — ce qu’on ne saurait contester en principe, — que le ministre de la Guerre est le chef de tout ce qui porte un uniforme ; est-ce à dire qu’il en soit le maître absolu ? Il est le chef de l’armée ; est-ce à dire qu’il ait sur elle les droits d’un autocrate ? Non, certes. L’armée à une charte, et l’État-major aussi en a une, qui a été fixée pour la dernière fois par le décret de 1890. Le respect de cette charte s’impose au ministre comme à tout autre, nous dirons même plus qu’atout autre, puisque, si ce n’est pas contre lui, c’est pourtant en vue de lui qu’elle a été faite, et qu’elle a eu pour objet d’imposer de certaines bornes à sa prétendue omnipotence. Nous n’entrerons pas ici dans une discussion de texte qui ne serait peut-être pas à sa place. Au surplus, quand même la charte de l’État-major n’aurait pas été formellement écrite, elle résulterait de la nature des choses. Qu’a-t-on voulu faire en l’établissant ? On a voulu, à côté de l’instabilité inhérente à l’institution ministérielle et par conséquent au titulaire du portefeuille de la guerre, créer quelque chose d’un peu plus solide, d’un peu plus durable, d’un peu moins fugitif. Peut-être devrait-il en être ainsi dans tous les ministères, et nous ne verrions que des avantages à ce qu’on importât en France l’institution des sous-secrétaires d’État permanens qui existe en Angleterre. Mais si cette réforme, quelque utile qu’elle soit, n’est pas possible d’une manière générale, du moins s’est-on proposé d’en introduire une sorte d’équivalent au ministère de la Guerre et au ministère de la Marine. On a mis, pour cela, un chef à la tête de l’État-major général, et on lui a donné de certains droits.il ne peut les exercer, — c’est bien entendu, — que sous l’autorité supérieure du ministre ; mais si, sous prétexte de cette autorité supérieure, le ministre les supprime dans la pratique, il y a abus, et l’institution est faussée. C’est ce qui a eu lieu au ministère de la Guerre, dès le lendemain du jour où le général André y est entré. Le général Delanne avait des collaborateurs dont il avait éprouvé la capacité et dans lesquels il avait pleine confiance : il en répondait au point de vue professionnel, et aussi au point de vue politique. Le général