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rejoindre Tientsin, et on veut les garder comme un en-cas, afin de faire de leur vie même un des élémens de la négociation future. Si on les laissait parler, les récits qu’ils feraient provoqueraient peut-être une indignation telle, que cette négociation deviendrait impossible. Ces calculs perfides et ces craintes probablement fondées apparaissent à travers les confidences de Li-Hung-Chang ; mais, si les craintes du vice-roi sont sérieuses, du moins ses calculs sont-ils vains. Nous n’accepterons jamais la question comme il la pose, et, pour qu’il ne puisse y avoir à ce sujet aucun doute, nous devons exiger, avant toute négociation, que nos ministres et que les étrangers qui voudront les suivre soient dirigés sur Tientsin et mis sous la protection directe de l’armée internationale. Sinon, les événemens suivront leur cours inévitable et, ayant fait notre devoir, nous dirons : Advienne que pourra. S’il y a du sang versé, il sera vengé, et dans des conditions telles que la Chine ne pourra jamais en perdre le souvenir. Le vice-roi du Yunnan a échappé à ces justes représailles en nous rendant M. François sans conditions, car nous n’en aurions accepté aucune. Il y a là un exemple digne d’être médité et surtout d’être imité. Nous ne savons, de ce qui se passe, que ce que disent tous les journaux, et s’il y a, comme c’est probable, quelques échanges d’idées entre les divers cabinets, nous en ignorons le secret : mais nous n’avons pas besoin qu’on nous le dise pour être sûr qu’aucune puissance ne consentirait à entrer en rapport avec un gouvernement qui n’aurait pas, avant tout, assuré la sécurité et la liberté des agens diplomatiques confiés à sa sauvegarde. Son impuissance même, à cet égard, devrait lui être imputée à crime. En tout cas, on ne discute pas avec un gouvernement qui n’offre aucune garantie, et quelle garantie pourrait-il offrir, s’il n’a même pas la force de dissiper les attroupemens qui, depuis plus d’un mois, assiègent et canonnent les légations étrangères ?

Il est à souhaiter que la situation se modifie dans le sens d’une détente. Hier encore, cela paraissait absolument impossible : aujourd’hui, il n’en est plus tout à fait de même, et, si les assurances que nous prodigue le gouvernement chinois sont confirmées par les faits, il dépendra de lui seul d’amener une solution où les puissances, après avoir montré leur force, puissent faire preuve de clémence. Mais il ne s’en tirera pas à aussi bon compte que Li-Hung-Chang a paru le croire en causant avec le correspondant du Times. Les assurances de bonne volonté ne suffiront pas : il faudra des garanties sérieuses et des gages réels. La destitution de quelques fonctionnaires ne suffira pas : il faudra des châtimens vraiment expiatoires. Les événemens qui viennent