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REVUES ÉTRANGÈRES






UNE IDYLLE ANGLAISE







Love and Mr. Lewisham, par H. G. Wells, 1 vol. Londres, 1900.


M. Lewisham a dix-huit ans. Il rêve de devenir un grand homme, et de remplir le monde de la gloire de son nom ; mais, en attendant, il s'acquitte le plus consciencieusement qu'il peut de ses modestes fonctions de maître-répétiteur dans un collège du comté de Sussex. Au mur de la chambre qu'il habite il a cloué deux feuilles de papier, dont l'une contient le schéma de ce que devra être sa vie quand il aura obtenu son diplôme de bachelier ès arts, et dont l'autre règle l'emploi de ses journées, heure par heure, jusqu'à son examen. Et c'est dans cette chambre que nous le trouvons assis devant sa table, certaine après-midi, s'efforçant de concentrer toute son attention sur les premiers vers d'une ode d'Horace.


On n'était encore qu'à la fin de mars ; mais l’air rayonnait d'une lumière ambrée, des nuages blancs glissaient sur le bleu du ciel, les arbres semblaient parsemés d'une poussière verte, et lajournée deprintemps excitait les oiseaux à de tumultueux chants de joie : une journée excitante, ranimante, provocante, une véritable avant-courrière de l'été. La nature entière attendait l'été : le sol chauffé se fendillait au-dessus des germes en travail, et l'on percevait dans les bois de sapins le fin crépitement des bourgeons qui s'ouvraient. Et ce n'était pas seulement dans le sol, dans les arbres, et dans l'air que se faisait sentir le vif aiguillon du réveil de la nature : il se faisait sentir aussi dans le jeune sang de M. Lewisham, sommant celui-ci de s'éveiller et de vivre — mais d'une tout autre façon que ne l'indiquait son schéma.