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ment satisfaisante, qui permettrait de discuter et de négocier en dehors de toute préoccupation immédiate. Faut-il les désapprouver ? Tel n’est pas notre avis. Nous ne tenons nullement à aller à Pékin, si nous n’y sommes pas absolument obligés, et cela non pas tant à cause des difficultés ou des hasards que nous pourrions rencontrer sur la route qu’à cause des très graves problèmes qui se poseraient le lendemain. Il est un peu naïf de penser qu’une fois arrivées là, les puissances, satisfaites de l’effet moral qu’elles auraient produit, n’auraient rien de plus pressé que de s’en retourner. Croit-on, par exemple, que l’empereur Guillaume renforce encore son corps expéditionnaire et qu’il envoie à Tientsin, pour commander l’armée internationale, un homme aussi considérable que le maréchal de Waldersee, uniquement pour faire une démonstration militaire ? L’Angleterre, de son côté, pousse avec énergie à la marche en avant, et M. Brodrick, dans son impatience, a plusieurs fois annoncé à la Chambre des communes qu’elle était commencée, alors qu’elle ne l’était certainement pas encore. Les Anglais, occupés comme ils le sont au Transvaal, n’ont pas beaucoup de troupes de débarquement à Tientsin, et ils éprouveraient à coup sûr de grandes difficultés à en augmenter sensiblement la quantité, encore bien plus la qualité ; mais leur puissance maritime est intacte, formidable, et complètement disponible. On sait que l’amiral Seymour, après sa malencontreuse expédition sur la route de Pékin, a quitté Tien-Tsin pour se rendre à Shanghaï sur ses vaisseaux. Ce brave marin s’était évidemment trompé d’élément : le voilà rendu à celui qui lui convient. Estime-t-on que ce soit pour n’y rien faire ? Nous ne parlons pas des autres, ne voulant pas passer en revue les intérêts de toutes les puissances ; mais nos intérêts, à nous, nous ne les apercevons pas du tout à Pékin. Nous avons peu de chose à faire au Nord de la Chine, et, bien que nous ne puissions, ni nous ne devions pas nous séparer du reste de l’Europe dans une œuvre qui paraît entreprise pour la défense de la civilisation ; bien que notre place soit marquée dans l’armée des alliés, et que nous continuions de l’occuper ; bien que nous n’admettions pas enfin qu’on aille à Pékin sans nous, nous n’avons pourtant, en dehors de la sécurité de nos ministres et de nos protèges, aucun motif de pousser l’affaire jusqu’à la dernière extrémité. Nos intérêts sont concentrés au Sud de la Chine : et encore, si nous avons là des vues d’avenir, ne devons-nous mettre aucune hâte à les réaliser. Le champ de notre action utile y est assez limité, et, si chacune des puissances qui auraient participé à la marche sur Pékin arrivait ensuite à, des prises de possession effectives, notre part proportion-