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favorise notre traversée, qui ne doit pas durer plus de cinq jours, si nous abordons heureusement, alors je réponds du salut de l’Irlande !

Adieu, ma belle amie, ma bien-aimée Calixte, jeté quitte pour me rendre à bord du vaisseau le Hoche. J’espère être plus heureux que le héros dont il porte le nom.


A Bruix.


3 fructidor (20 août).

Tous les élémens paraissent s’entendre pour nous clouer dans la rade de Brest et y enchaîner l’ardeur de nos troupes. L’escadre anglaise augmente à vue d’œil ; hier, elle nous a présenté 42 voiles, qui, à la chute du jour, étaient en ordre de bataille en face du Goulet. J’aurais peine à vous dire qui est le plus affligé de tous ces contretemps, de Bompard ou de moi. Nous n’avons, ni l’un ni l’autre, le moyen de parer à tant d’inconvéniens. Cependant, en me reportant à ce que vous m’avez dit dans le principe et à ce que vous m’avez écrit, depuis qu’il importe surtout d’envoyer un général aux Irlandais, il me vient cette idée que je vous soumets.

Je partirai de Rochefort (ou de Nantes) avec vingt officiers bien choisis, quatre cents hommes (infanterie, artillerie et hussards), quelques pièces de campagne, sur deux bonnes frégates, commandées par des capitaines éprouvés. J’arriverai promptement en Irlande sans accident. Pendant que je travaillerai, sur les lieux, à connaître l’esprit public, à préparer la réussite du projet du Gouvernement, la division, ici, pourrait attendre qu’une bourrasque violente rejetât l’escadre anglaise sur ses côtes ou dans la Manche, ce qu’on ne peut guère espérer avant trois semaines, c’est-à-dire avant l’équinoxe.

Vous apercevrez aisément, Citoyen Ministre, que ce projet n’est point celui d’un marin ; mais, quelle que soit l’opinion que vous en ayez, je me repentirai d’autant moins de vous l’avoir proposé que j’espère, par là, vous convaincre que, si les intentions du Directoire exécutif n’ont point été jusqu’à ce moment remplies, il n’y a pas de ma faute.

Je me plais à vous répéter que le désir le plus ardent de partir anime toutes les troupes, qu’elles brûlent d’impatience de voir arriver le moment où elles pourront faire briller leurs baïonnettes victorieuses aux yeux d’un peuple digne de la liberté, et que ces sentimens sont bien partagés par leur chef.