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au village de Buncranagh. Simon resta vingt-quatre heures chez le général et fut traité avec beaucoup d’égards ; mais on envoya Smith à Londonderry, où il fut jeté dans un cachot et chargé de fers. Dès qu’il m’en eut fait part[1], je descendis moi-même à terre et j’écrivis à lord Cornwallis la lettre dont je joins ici la copie. J’en adressai une autre à ce malheureux officier pour le rassurer et l’engager à supporter son sort avec courage. Malgré mes réclamations, l’adjudant-général Smith a été traîné de prison en prison jusqu’à Dublin. Il est doué d’une âme forte, et je suis convaincu qu’il déploiera un grand caractère. Mais ses ennemis sont tellement acharnés contre lui qu’on ne saurait prendre des mesures trop promptes pour lui sauver la vie.

Je laisse à votre prudence et à votre sagesse. Citoyens Directeurs, le soin de faire en faveur de cet officier les démarches que vous jugerez nécessaires.


A Lord Cornwallis, commandant en Irlande.


Milord,

L’adjudant-général Wolfe-Tone, dit Smith, attaché à l’état-major de l’armée expéditionnaire dont le gouvernement français m’a confié le commandement, et fait avec moi prisonnier de guerre sur le vaisseau le Hoche, réclame mon intervention auprès de vous, parce qu’il a été enfermé dans un cachot et chargé de chaînes. Je n’entre pas dans la question de savoir si vous avez des griefs contre cet officier ; mais il est citoyen français, il fait partie

  1. A la prison de Derry, 12 brumaire, an VII.
    L’adjudant-général W.-Tone, dit Smilh, au général Hardy, commandant en chef l’armée française expéditionnaire.

    Général,
    A mon arrivée à Derry, j’ai appris avec le dernier étonnement que des ordres avaient été donnés pour me faire mettre aux fers, comme un malfaiteur. J’ai écrit en conséquence à lord Cavan, en termes respectueux, mais fermes, protestant contre l’indignité méditée contre l’honneur de l’armée française en ma personne, et réclamant mes droits de citoyen et d’officier français. Il ne me reste maintenant que de m’adresser à vous, comme à mon général, représentant ici la grande nation à laquelle j’ai l’honneur d’appartenir, et de réclamer votre intervention auprès du gouvernement anglais afin que je sois traité, comme prisonnier de guerre, avec les privilèges attaches à mon grade, et qu’il me soit permis de partager votre sort et celui de mes braves camarades, comme j’ai eu l’honneur de partager vos périls dans le combat.
    Salut et respect,
    T. W.-Tone. dit Smith.