Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 161.djvu/152

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
148
REVUE DES DEUX MONDES.

tus. Que de « complications ! » que de « subtilités ! » « N’est-il pas regrettable que des commissions d’examen, qui doivent être composées de personnes intelligentes, s’arrêtent à discuter de semblables puérilités ? » et pourquoi ces cinq mots ne s’écriraient-ils pas sin, tous les sin, comme on les prononce ?

Et qu’on ne dise pas que de pareils exemples sont rares en français, ni surtout que nous voulons rire ! On ne rit point aux dépens du Conseil supérieur de l’Instruction publique, et il faut toujours prendre un ministre au sérieux. Mais, partant du principe qu’ils ont posé, je défie le Conseil supérieur de l’Instruction publique, et le ministre lui-même, de nous dire où, à quel point ils s’arrêteront, et pourquoi, dans cette voie de « simplification ! » Ils n’en auront plus le moyen, ni eux, ni quiconque, après eux et comme eux, s’avisera de vouloir réformer l’orthographe « par principes. » La raison en est celle que nous avons donnée. L’orthographe d’une langue historique est le témoin de son passé ; ses singularités, ses anomalies mêmes, ses méprises font partie de son évolution ; elles sont consacrées par des chefs-d’œuvre ; et ni on ne mutile impunément les chefs-d’œuvre, ni on ne remonte le cours d’une évolution plusieurs fois séculaire, ni surtout on ne « refait » l’histoire ! C’est pourquoi l’opportunité, en pareille matière, est de laisser faire au temps, et le vrai principe est de n’en pas avoir. L’orthographe d’une langue, dont l’histoire est vieille de plus de mille ans, et qui s’est formée du concours de tant de circonstances particulières, ne saurait être ni étymologique, ni phonétique, ni surtout logique. Elle est ce que les siècles l’ont faite, et, de temps en temps, on pourra bien la modifier, comme on l’a fait, répétons-le, depuis deux ou trois siècles, — sans bien savoir pourquoi, sans vouloir le savoir, pour des raisons cachées ; — mais toute prétention de la « refondre » en bloc ou de la « réformer » en grand sera barbare, et, nous l’espérons bien, inutile.

Il en est autrement de la syntaxe. La syntaxe proprement dite est en grande partie l’œuvre des grammairiens, dont la plupart se sont peu souciés des exemples des écrivains, si même on ne doit dire qu’ils ont pris généralement un plaisir pédantesque à trouver les maîtres en faute. Un grammairien s’immortalise en découvrant un solécisme dans Molière ! Les grammairiens du xviiie siècle, en particulier, disciples de Condillac ou collaborateurs de l’Encyclopédie, se sont en outre inspirés d’un esprit