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Et d’abord présentons la Fontenoy.

C’est le cuirassé moyen conçu il y a dix ans, qui n’est plus le cuirassé moyen d’aujourd’hui, car la loi du progrès veut, paraît-il, que tous les types grossissent.

Il est certain que 6 600 tonnes, d’ailleurs assez mal réparties (car le poids de la cuirasse de flottaison est ici excessif), ce n’est assez ni pour soutenir le combat d’escadre, ni pour entreprendre une opération de quelque durée en haute mer.

Avec leur modeste vitesse (15 nœuds au maximum), leur rayon d’action réduit, leur armement où tout est sacrifié à deux énormes pièces de 305 ou de 340 millimètres, les quatre gardes-côtes de notre division ne satisfont ni aux lois essentielles de la stratégie, ni aux exigences actuelles de la tactique.

Aussi, de fort médiocres cuirassés d’escadre qu’ils étaient jusqu’en 1898, les voilà devenus de très convenables gardes-côtes, qui rendraient, dans les opérations restreintes d’une défense active, de sérieux services.

Seulement, où faut-il les mettre ? Au Nord ou au Midi ? A Dunkerque, au Havre, à Cherbourg, ou bien à Toulon, en Corse, à Bizerte ? ...

Grave question, et passionnante, si j’en juge par les discussions dont mes oreilles retentissent, à peine arrivé sur le Fontenoy. C’est que les intérêts particuliers sont en jeu dans cette affaire. Depuis deux ans que la division des gardes-côtes a été transférée de l’escadre du Nord à celle de la Méditerranée, on a pris ses habitudes à Toulon, des installations ont été faites que l’on pensait définitives et sur lesquelles on se reposait en toute sécurité.

Ah ! bien oui, sécurité ! ... Il ne faut point parler de cela en marine. La division repart pour le Nord, et le bruit court, persistant, appuyé de raisons spécieuses, qu’elle y restera après les manœuvres. Catastrophe, désolation ! ...


Mais laissons un moment les gardes-côtes


Errans et ballottés sur des flots incertains,


et jetons un coup d’œil sur l’escadre de la Méditerranée proprement dite.

C’est déjà une belle réunion de bâtimens : six de nos plus forts cuirassés, que balancent seuls, dans le Nord, le Masséna et