Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 161.djvu/171

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour notre première opération de guerre, l’attaque d’Oran. Cette attaque comprendra du reste deux phases. Nous ferons d’abord une tentative de nuit, une sorte de reconnaissance, et le soin de nous repousser reviendra surtout aux torpilleurs de la défense mobile d’Algérie ; la deuxième attaque, faite au petit jour, permettra aux ouvrages de la place d’entrer en jeu sérieusement.

Dès ce soir, et tout demain, nous allons préparer notre monde à recevoir de bonne sorte nos minuscules, mais redoutables adversaires. Quant aux batteries, point autre chose à faire que de se placer autant que possible dans les zones les moins battues et d’ouvrir le feu vigoureusement dès qu’on les aura reconnues.


24 juin, 5 heures du matin. Oran.

Nous venons de laisser tomber l’ancre, et l’énorme serpent de chaîne, bruyamment, s’engouffre dans l’écubier avec des soubresauts convulsifs... Et puis, un grand silence.

Derrière nous, un soleil paresseux, s’élève, enveloppé de brumes blondes, au-dessus de la montagne des Lions. A gauche, Oran, mal éveillé_, malgré la canonnade dont nous venons de le saluer, se cache derrière le gros bastion du Murdjajo.

Voilà cet imposant amphithéâtre de Mers-el-Kebir, dont j’admirais déjà, il y a quinze ans, la puissante et sobre architecture, et cette belle couleur d’un jaune roux, la couleur éternelle de la terre d’Afrique.

Peu de changement. Quelques maisons de plus à Saint-André, à Sainte-Clotilde ; quelques-unes de moins à Mers-el-Kebir, que remplacent mal les casemates toutes neuves du vieux fort hispano-arabe.

Quelques grandes taches vertes aussi, sur les pentes basses des gradins ; des moutonnemens de gommiers, d’oliviers, de citronniers dans les creux...

Et sur la mer calme, d’un calme gris, huileux, roulent gauchement, comme des hoplites accablés sous l’armure trop lourde, nos quatre cuirassés.

C’est que la nuit a été fatigante ! Dès la tombée du jour et encore loin de la côte, ne sachant jusqu’où la défense mobile pousserait sa pointe, nous nous sommes mis en garde, les feux éteints rigoureusement à l’extérieur, la bordée de quart aux pièces, aux projecteurs, sur les passerelles, ouvrant tout grands les yeux.