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faisant choix d’un député, il accomplit un acte politique. Retenez cette différence, et lorsque vous observez, par la suite, que les membres du Parlement qui représentent le plus de suffrages exprimés sont des députés du Midi, vous concluez aussitôt, et avec raison, à la médiocre portée politique de leur mandat ; rien de surprenant, dès lors, que cette portion du royaume, la plus souffrante et la plus négligée, expédie à la Chambre, périodiquement, une notable caravane de députés ministériels, c’est-à-dire satisfaits.

Que si vous demandez enfin le total des voix obtenues par les divers partis aux dernières élections, les agens du roi, qui les ont additionnées, vous répondront qu’ils ont compté 445 000 suffrages républicains, radicaux ou socialistes ; 303 000 suffrages d’opposition constitutionnelle, et 611 000 suffrages ministériels. D’où vous déduirez, par un élémentaire calcul de proportions, que les partis antidynastiques auraient droit à 166 sièges si l’on voulait les représenter au Parlement d’une façon adéquate à l’importance qu’ils ont dans le pays : c’est qu’une cinquantaine de collèges n’ont assuré aux candidats ministériels qu’une majorité variant entre dix et cent voix. Et vous conclurez, en second lieu, que si l’opposition constitutionnelle, en juin dernier, est arrivée plus forte à la Chambre que l’opposition antidynastique, c’est au contraire celle-ci qui, dans le pays, a groupé sous ses bannières la majorité des mécontens.

En deux mots et pour nous résumer, l’assemblée de Montecitorio[1], issue d’un corps électoral qui n’est pas, en droit, le pays tout entier, et d’où s’excluent systématiquement, en fait, un certain nombre de catholiques, élue par des suffrages dont la majorité appartient à la partie du royaume la moins éclairée et politiquement la moins expérimentée, ménage aux divers partis, dans la vie parlementaire, une influence singulièrement disproportionnée à celle qu’ils possèdent dans la vie nationale.

Mais ces constatations, loisibles à tout citoyen de l’Italie, ne sauraient prévaloir, dans le cerveau d’un roi, contre la lettre du Statuto. De par son serment, au nom de son loyalisme, Victor-Emmanuel doit succéder au respect qu’avaient son grand-père et son père pour un Parlement ainsi composé, et considérer ce Parlement

  1. Voir en particulier, pour plus de détails, les articles très précis de M. Mereu, dans la Revue Bleue du 28 juillet 1900, et de M. Trovason, dans la Riforma sociale du 15 août 1900.