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d’Humbert Ier. De la troisième Rome et de la maison de Savoie, quelle est donc la conquérante et quelle est donc la conquise ?

Sans épiloguer sur ce délicat problème, le Vatican laissa faire : il fut doux avec la mort, et permit que la religion s’associât largement aux funérailles.


Cent prêtres, cent capucins prirent part au cortège. La confraternité des Stigmates, celle de la Bonne Mort, firent avec leurs cagoules une sorte de lugubre rideau. La fameuse couronne de fer fut apportée de Monza : son cercle d’or, on le sait, incruste l’un des clous du Christ, et le Vatican lui-même, au XVIIIe siècle, avait défendu contre Muratori l’authenticité de ce clou, établissant ainsi la valeur de la relique dont plus tard, aux dépens de l’Autriche, la maison de Savoie s’est fait un trophée. Sur le seuil du Panthéon, une inscription fut apposée ; on y lisait : « Pour l’âme du roi Humbert 1er, bon, loyal, magnanime, le peuple italien élève vers Dieu des prières, avec des larmes expiatoires. » Et ces prêtres et ces capucins, et ces cagoules et cette couronne, et ces prières et ces larmes, apparurent à la presse monarchiste comme l’annonce d’une ère nouvelle ; déjà l’on affirmait que l’Eglise romaine, qui pleurait sur Humbert Ier, allait sourire à Victor-Emmanuel III. De même que les pouvoirs publics, au surlendemain de la triste solennité, rendraient hommage au roi nouveau, de même l’Eglise, pour le surlendemain du Dies iræ, offrirait peut-être à la jeune royauté, sinon le baptême, du moins quelque programme de catéchuménat, dont elle-même ensuite, — car il n’est rien que de commencer, — saurait maternellement tempérer la rigueur et hâter l’accomplissement. On publiait avec insistance, dans les organes de la dynastie, des lettres épiscopales de Crémone, de Gênes, d’Acqui, d’autres villes encore : et ces lettres attestaient que si la monarchie de Savoie, gênée sans doute par les propos autrefois échangés entre Constantin et le pape Silvestre, n’aspirait point au baptistère même du Latran, témoin historique de ces propos, du moins elle trouverait, ça et là dans la péninsule, des baptistères largement ouverts et rapidement accueillans. Un journal entreprenant, l’Alba, laissait espérer en son allégresse que tel fauteuil archiépiscopal pourrait devenir, dans la suite, une chaise curule de sénateur.

A la hâte, on lestait un beau ballon d’essai ; une légende naissait, de toutes pièces, d’après laquelle Humbert Ier, en 1895, aurait