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sultan du Bornou, en même temps que le gouvernement lui prescrivait d’éviter avec soin de descendre en territoire d’influence anglaise, c’est-à-dire au sud de la ligne Say-Barroua ; d’un autre côté, M. Gentil, administrateur au Congo français, reçut l’ordre, en avril de la même année, de remonter du Sud au Nord vers le Tchad par la rivière Chari. Enfin, dans la limite de ses attributions, le ministère des Colonies secondait les projets et préparatifs de la mission Foureau-Lamy, qui devait descendre de l’Algérie vers le Soudan. A tous ces mouvemens présidait une même pensée : empêcher l’interposition de tiers entre les diverses parties de notre empire africain et préparer la jonction de nos tronçons épars, sinon par l’occupation effective, du moins par des conventions de commerce et de protectorat qui nous assureraient pour l’avenir un droit d’antériorité incontestable vis-à-vis de compétiteurs européens éventuels. C’est seulement en 1899 que fut réalisée cette dernière partie du programme ; les expériences faites et les leçons subies dans la boucle du Niger n’avaient pas été étrangères à sa conception.

Et maintenant les résultats acquis ou espérés justifient-ils un pareil effort ? la méthode suivie par la France en ces régions est-elle irrationnelle au premier chef, anti-économique et imprudente comme on le dit couramment ? notre commerce est-il incapable de suivre l’impulsion donnée et la voie tracée par les militaires ou les administrateurs ? notre pays fait-il, en un mot, œuvre de mégalomanie plutôt que de politique avisée en se laissant séduire par l’Afrique ? Si aride que soient à certains égards ces questions, elles méritent d’être serrées de près.

Il semble, à première vue, que l’empressement mis par les Anglais ou les Allemands à procéder comme nous le faisons nous-mêmes suffise à expliquer la hâte que nous apportons à nous étendre dans les vastes territoires de l’Afrique occidentale. Trop enclins ou à nous exalter démesurément ou à nous dénigrer au-delà de tout sens commun, nous devrions nous dire qu’en imitant l’exemple d’émulés qui passent avec tant de raison pour de subtils négocians, nous ne nous exposons pas à de trop cruels mécomptes. En constatant leur mauvaise humeur lorsque, par hasard, ils arrivent trop tard sur un point que nous venons d’occuper, nous possédons la plus topique des réponses aux détracteurs systématiques de l’expansion coloniale.

Mais s’ils se résignent devant l’évidence des faits et s’inclinent,