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quoique à regret, dans un débat de principe, les esprits chagrins se consolent tout aussitôt en reprochant à la politique coloniale française sa méthode à défaut de son but : ils opposent nos brusques mouvemens militaires à la lente pénétration commerciale des Anglais ; ils dénoncent dans nos « expéditions lointaines » l’amour du bruit, du geste et de la poudre, qui est assurément tout le contraire de la colonisation véritable. Dans leur beau zèle à tout glorifier outre-Manche, à tout noircir chez nous, ils oublient très volontiers que, sans remonter trop loin dans l’histoire et pour parler de la seule Afrique, on rencontre chez les Achantis, en Abyssinie, au Soudan égyptien, au Transvaal, maint énorme et coûteux déploiement militaire de la part de la Grande-Bretagne, tandis qu’ailleurs, sur le Niger, dans l’Ouganda, elle opère par voie de missions plus ou moins armées, et qu’en définitive elle fait comme tout le monde, traitant et commerçant quand elle le peut, frappant quand il le faut.

Cette évocation de faits historiques ou contemporains incontestables ne désarme pourtant pas l’attaque : l’adversaire, un instant décontenancé, change sa position et donne un nouvel assaut. C’est maintenant des résultats qu’il parle : il décrit sous les plus sombres couleurs la situation misérable des colonies françaises, il la rapproche avec complaisance des brillantes statistiques fournies par les territoires placés sous la domination britannique ; puis dans une merveilleuse fantasmagorie, on voit défiler les tableaux éclatans de l’Inde, de l’Australie, du Cap ou du Canada, qui sont des pays faits, déjà anciens et fort peuplés, sans que l’on songe jamais, et pour cause, à comparer les seules contrées qui soient vraiment comparables, c’est-à-dire celles qui sont voisines l’une de l’autre et sont nées à peu près à la même époque.

Ici cependant, et nulle part ailleurs, gît l’intérêt présent.

Or si l’on s’applique à l’étude impartiale et détaillée de la position relative des établissemens français et anglais de la côte occidentale d’Afrique, on discerne bien vite qu’il ne reste rien, ou à peu près, de la thèse adverse, et que pour la prospérité financière et commerciale, la France n’a rien à envier à sa puissante rivale dans l’œuvre des dernières années.

Au point de vue financier tout d’abord : les recettes locales des colonies anglaises de Lagos, de la Côte d’Or, de Sierra-Leone et de la Gambie, qui étaient en 1893 de 11 040 000 francs, se sont