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populations imprévoyantes, propter vitam vivendi perdere causas, et détruire les lianes, faire disparaître les éléphans pour obtenir un gain plus facile et plus prompt ? Assurément non : l’exploitation rationnelle du caoutchouc, celle de la noix de kola, l’introduction méthodique de diverses cultures nouvelles, café, coton ou autres, sont des œuvres qu’un état-major européen peut avantageusement entreprendre, en se bornant à fournir aux indigènes les capitaux et les directions utiles. Puis, en suivant peu à peu le mouvement, sans s’abandonner à de trop vastes conceptions, mais en s’attachant à pourvoir aux besoins locaux au fur et à mesure qu’ils se développent, maintes industries peuvent et doivent venir étayer cette première partie de la tâche : briqueteries, distilleries, scieries, tissages, etc., pour lesquelles quelques contremaîtres blancs suffisent à éduquer la main-d’œuvre autochtone.

Si elle veut seconder l’action commerciale des particuliers, un devoir primordial incombe toutefois à l’administration : celui de leur fournir des moyens de transport sinon rapides, — le temps compte pour peu de chose encore eu ces vastes contrées, — du moins assez économiques pour permettre l’adduction à la côte des produits naturels et l’importation des marchandises de traite. Des routes partout où on le peut, des chemins de fer quand il le faut : tel est l’objectif que doivent désormais poursuivre nos agens de tous ordres ; ce faisant, ils affranchiront et les services publics et le négoce des frais écrasans du portage, en même temps qu’ils rendront disponibles pour la production les milliers d’hommes employés dans les caravanes. À cet égard, il est malaisé de rien imaginer de plus pitoyable que le système pratiqué par la France jusqu’en 1897 pour la jonction du Sénégal au Niger par la voie ferrée de Kayes à Bammako : un crédit annuel était alloué à cette entreprise qui lui permettait tout juste d’avancer de 8 à 10 kilomètres par exercice, et exigeait plus de vingt ans pour l’achèvement de la ligne. La consolidation et l’escompte de cette annuité, combinés avec quelques autres expédions financiers, ont autorisé le Soudan à développer son chantier de manière à parvenir au terme du travail dans trois ou quatre années. L’exemple aussitôt donné a été imité : la Guinée a trouvé prêteur pour exécuter les 120 premiers kilomètres de la voie qui reliera Konakry au Niger. Il n’est pas jusqu’au Dahomey qui ne soit sur le point de traiter avec une compagnie pour l’exploitation d’un chemin de fer dont il payera en partie les frais.