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sur tout sentiment d’humanité. L’impératrice d’Ethiopie entendait empêcher à l’avenir tout embauchage de soldats abyssins, comme Basile II se proposa de décourager par la terreur toute résistance. Il atteignit son but. Par la mort de Samuel la monarchie bulgare se trouve disloquée. D’autres exécutions suivirent, — gens décapités, aveuglés, empalés, — exécutions aussi terribles que celles qu’ordonnèrent ensuite les sultans ottomans. Le plus souvent, Basile II se contentait de transplanter en Asie les garnisons prisonnières. C’est pourquoi il existe aujourd’hui en Arménie des cantons bulgares. L’auteur anonyme des Conseils et Récits, un grand seigneur byzantin du XIe siècle, après avoir raconté comment Basile II « vainquit les soldats de ce parlait guerrier, de ce chef expérimenté qui avait nom le roi Samuel, » ajoute : « Après la mort du roi Samuel, tous les autres Bulgares durent se rendre au Basileus et furent réduits en esclavage, grâce à l’astuce, au courage, à l’énergie d’un homme : Basile le Porphyrogénète. »

Samuel eut pour successeur le fils de la Grecque qu’il avait enlevée à Larisse : donc un Hémïargos. Ce demi-Grec, Gabriel-Romain, fut assassiné par son cousin Vladislav. Celui-ci prit le titre de tsar, mais ne réussit pas à commander l’obéissance. Il vit les impériaux enlever Bitolia, Prilep, le château du légendaire héros des Serbes Marko Kraliévitch, Ochrida, où siégeait le patriarche et où se conservait le trésor du royaume. Il finit par se faire tuer sous les murs de Durazzo (1018).

Dans cette Bulgarie en détresse, deux partis se formèrent : l’un pour la soumission au Basileus, l’autre pour la lutte à outrance. A la tête du premier, le patriarche David, la tsarine Marie, veuve de Vladislav, les boïars de la cour et de la plaine. Pour les inciter à la soumission, Basile accueillit avec clémence les chefs qui mettaient bas les armes ; peut-être leur confirma-t-il leur situation terrienne, comme tirent plus tard les sultans ottomans, qui, parmi les joupans serbes ou les boïars bulgares, nommèrent des aghas et des beys. Mais désireux d’avoir les chefs sous sa main, à Constantinople, Basile leur conféra des dignités antiques, telles que protospathaires ou patrices. Quand la tsarine-veuve Marie lui amena ses trois fils et ses six filles en bas âge, plus neuf autres enfans de la famille tsarienne, il l’accueillit avec douceur et prit sous sa protection cette famille tragique, cette famille digne des anciens Atrides, où les orphelins du tsar régicide