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de race grecque. Il n’y avait plus de Bulgarie, mais seulement des provinces « romaines » soumises à des stratèges. Le patriarcat bulgare était aboli, mais il subsistait un métropolite d’Ochrida relevant du patriarche de Constantinople, et le « très saint archevêché de Bulgarie, » maintenu à Ochrida, conserva tous ses privilèges et immunités. Les impôts qu’avaient levés les tsars nationaux, Siméon et Samuel, ne furent point modifiés ; ils continuèrent à être perçus en nature : par joug de bœufs, un modius de blé, un modius de millet et une cruche de vin. Basile II, dit un chroniqueur, « avait ordonné que l’ancien ordre de choses serait partout maintenu. » Ce fut seulement quand les sages ordonnances du Bulgaroctone furent rapportées par ses successeurs que les premiers symptômes de mécontentement et de rébellion se manifestèrent dans le pays conquis. Le « Tueur de Bulgares » n’en avait pas moins assuré, pour cent soixante-sept ans, l’hégémonie de la race grecque dans la péninsule.

Il ne survécut que trois années à l’accomplissement de sa mission. Mort en 1025, il eut une sorte d’histoire posthume. Par une coïncidence étrange, vers le même temps où la Bulgarie, grâce à l’anarchie introduite dans la péninsule par les conquérans français, sortait de son long assoupissement, son vainqueur, après deux cent cinquante ans de repos dans la sépulture impériale des Saints-Apôtres, était chassé de son tombeau. En l’an 1260, au moment où les Grecs se préparaient à reprendre leur capitale sur le dernier empereur français, quelques-uns de leurs officiers, pénétrant dans une petite église de la banlieue, trouvèrent un squelette, appuyé debout à la muraille et dans un parfait état de conservation. Des soldats ou des pâtres facétieux avaient placé entre ses dents une flûte de berger. Près de là était une tombe brisée sur le marbre de laquelle on pouvait lire le nom du vainqueur des Bulgares. Les officiers grecs, émus d’une telle profanation, emportèrent le squelette dans des étoffes tissées d’or et de soie et allèrent l’ensevelir en grande pompe dans une des églises de Sélymbria. Dans l’intervalle qui s’était écoulé entre sa première inhumation dans l’église des Saints-Apôtres et ses nouvelles obsèques en l’église de Sélymbria, l’ombre de Basile II aurait eu des raisons pour s’attrister dans la nuit du tombeau. Au début du XIIIe siècle un souverain des Bulgares semblait vouloir éclipser sa gloire exterminatrice et surenchérir sur ses sanglantes représailles. C’était le troisième et le plus