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regarder les États-Unis comme ralliés à la proposition russe. On en dit autant du Japon : mais sa réponse n’a pas été publiée et nous ignorons dans quels termes elle est conçue. Le Japon, pas plus que la Russie, n’a intérêt à aider des puissances notoirement ambitieuses à s’immiscer à fond dans les affaires de Chine : s’il le faisait, il aurait sans doute à le regretter un jour. Mais il est trop avisé pour cela, et il compte trop sur l’avenir pour l’engager et le compromettre dès aujourd’hui au profit d’un tiers, quel qu’il soit. Sans connaître exactement la réponse de Tokio, nous sommes portés à croire, comme on paraît le faire à Saint-Pétersbourg, qu’elle incline dans le même sens que celle des États-Unis et de la France.

Cependant, à en juger par les journaux, l’opinion japonaise est encore un peu hésitante et ne paraît pas unanime. Mais où y a-t-il, sur cette question de l’évacuation immédiate, unanimité absolue ? Est-ce en Angleterre ? Est-ce même en Allemagne ? En Angleterre et en Allemagne, si la grande majorité se prononce avec plus ou moins de force en faveur du maintien de l’occupation, quelque embarras se manifeste, même dans les affirmations les plus tranchantes. L’Angleterre n’est pas encore dégagée des préoccupations qu’elle a dans d’autres parties du monde que l’Asie, et elle n’est pas très disposée à affronter sans répit de nouvelles difficultés. Nous la croyons sincère dans son désir de ne pas prolonger la crise chinoise, et peut-être ne ferait-elle pas beaucoup de difficulté à accueillir la proposition russe si précisément, elle n’était pas russe et ne venait pas de Saint-Pétersbourg. On s’est habitué à Londres à croire qu’on a toujours en Extrême-Orient des intérêts contraires à ceux de la Russie : c’est la première impression et le premier mouvement. Il y a quelques années, à la suite de la guerre sino-japonaise, il a suffi que la Russie et la France, d’accord cette fois avec l’Allemagne, se prononçassent dans un sens pour que l’Angleterre, au risque de se trouver isolée, se prononçât dans l’autre. Que fera-t-elle aujourd’hui ? On l’ignore encore. Il est vrai qu’un membre du cabinet britannique, lord George Hamilton, secrétaire d’État pour les Indes, parlant, il y a quelques jours, à la Primrose League, s’est exprimé très nettement et même très vivement contre l’évacuation. Après avoir énuméré les demandes à faire à la Chine, et sur lesquelles toutes les puissances sont d’accord, — réparations pour le passé et garanties pour l’avenir : — « Pour obtenir, s’est-il écrié, ces conditions indispensables, pour établir un gouvernement central respectable et fort, il est absolument nécessaire que nous ne fassions rien qui puisse ressembler à l’abandon d’avantages que nous avons