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LES
TRONÇONS DU GLAIVE

TROISIÈME PARTIE[1]


XI

C’était le grand jour, l’immense effort de la sortie en masse, gigantesque essai de délivrance. On allait rompre enfin le cercle de fer, l’étau derrière lequel Paris étouffait ; on allait au-devant de l’armée de la Loire, au-devant de la France qui accourait avec ses levées jaillies du sol, ses drapeaux neufs déjà laurés par la victoire. Chacun, sur cette page encore blanche du 29 novembre, inscrivait d’avance une des dates sacrées de l’histoire, sentait vibrer en soi l’héroïsme qui enflammait la proclamation de Ducrot ; toutes les âmes suivaient de leurs vœux ce général qui, à la tête de son armée, jurait de ne rentrer que mort ou victorieux.

Les groupes commentaient les affiches de Trochu et du Gouvernement. La Ville se tendait dans un seul élan, vers le bruit sourd du canon qui tonnait du côté de Choisy et de l’Hay, où l’armée de Vinoy opérait une diversion, en même temps que le contre-amiral Saisset s’emparait du plateau d’Avron, et que d’autres sorties essayaient de donner le change sur la véritable trouée : Ducrot franchissant les ponts, enlevant les plateaux de la Marne.

Par malheur, dans la nuit l’ingénieur, sur qui reposait la charge essentielle du lançage des ponts, s’était convaincu, un peu

  1. Voyez la Revue des 1er et 15 septembre.