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LES TRONÇONS DU GLAIVE.

En face de Villiers, le général en chef avait dirigé, mais sans plus de succès, l’effort du 2e corps. Les tirailleurs de Maussion, à peine la crête dépassée, sont accueillis par un ouragan de fer qui les refoule dans les vignes ; l’artillerie n’est pas plus heureuse. Onze heures ! Que devient le 3e corps ? Le général d’Exéa a dû franchir la Marne, il s’approche de Noisy, il va surgir au delà de Villiers ?… Et Ducrot, impatient, scrute l’horizon, prête l’oreille. Un aide de camp arrive, son cheval trempé fume ; le cœur du général, allégé, bat plus vite : D’Exéa ? — Ah ! bien, oui ! le 3e corps est encore sur la rive droite et ne fait pas mine d’en bouger, pas un pont n’est jeté !… La situation est intenable. Il faut prendre un parti. Alors la division Maussion s’avance à découvert, la brigade de Miribel tente de suivre le chemin de fer, pour déborder le parc vers le Sud. Généraux en tête, l’attaque de front ondule, hésite, repart. Vain courage ! cinq cents hommes, deux colonels, quantité d’officiers jonchent le sol. On regagne la crête. L’attaque de flanc échoue de même contre la fusillade qui jaillit du mur fatal. Il est midi. Ducrot se rend enfin compte que l’artillerie seule aura raison de ces réduits imprenables. Il fait donner huit batteries, à l’abri desquelles on se réorganise.

Et d’Exéa ? Pour le tirer de son inexplicable torpeur, le commandant Vosseur lui est détaché. Il trouve le chef du 3e corps en plein désemparement. À onze heures, sur les récriminations amères du général de Bellemare, le vétéran indécis s’était décidé à faire jeter les ponts, à laisser passer la rivière à Bellemare ; mais voyant l’ennemi progresser sur la rive opposée, de Choisy à Dry, il avait aussitôt donné contre-ordre, et Bellemare, la rage au cœur, avait dû retraverser. Du haut des coteaux, les Saxons tiraient maintenant sur les marins de Rieunier, en train d’établir d’autres ponts à Bry. D’Exéa, que déjà dans la matinée un envoyé de Trochu était venu talonner sans résultat, argue : les Saxons gagnent, le 3e corps courrait le risque d’être jeté à la Marne ! Pourtant ces pentes soi-disant occupées, le commandant Vosseur vient de les suivre. Il réitère l’ordre : franchir la rivière le plus tôt possible, repart vers le plateau où la canonnade répercutée en tonnerre roule, où à chaque seconde la foudre des détonations éclate. Et d’Exéa attend toujours : quoi ?

Sur le plateau de Villiers, tandis que les batteries mitraillent parc et village où les renforts allemands grossissent, les Wur-