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avarice orgueilleuse sera un des premiers et des plus constans soucis des apôtres. La religion juive manque d’amour, non seulement pour l’homme, mais pour Dieu. Elle le craint ; elle attend, avant de livrer son cœur, la grande preuve de miséricorde que Dieu a promise, l’envoi d’un Sauveur. Et enfin, à cause de cette espérance, la religion juive ne peut devenir la religion universelle et unique du genre humain. Car, par cette attente même, elle atteste que sa perfection est incomplète et sa destinée provisoire, et, mère qui doit mourir en enfantant le fils, elle porte dans ses prophéties la prescience de sa fin, elle chante dans ses psaumes ses funérailles.


III

C’est alors, quand toutes les philosophies et toutes les religions se sont montrées impuissantes à expliquer la vie et à commander le devoir, que le Christ paraît.

Aussitôt, les deux forces qui depuis le commencement du monde, la raison et la foi, cherchaient isolées leur voie et s’égaraient, s’unissent. Par lui, la foi apparaît fondée sur la raison, et la raison s’élève aux certitudes de la foi. Tout ce que les plus grands penseurs ont soupçonné sur la nature divine, il l’affirme ; tout ce qu’ils ont entrevu sur la destinée humaine est mis au jour. Il attaque à la fois toutes les idolâtries en annonçant une religion qui, si elle est vraie, les convainc toutes de mensonge. Il n’invoque pas en faveur de cette religion les lumières mêlées d’ombre qui guideraient un sage et autoriseraient ses conseils : il ordonne au nom de Dieu, en Dieu, et ne laisse à aucune créature le droit à la désobéissance. De la religion juive, il garde et consacre l’antique doctrine sur l’unité de Dieu, la faute originelle de l’homme et la rédemption. Il rattache à la vérité révélée dès le commencement du monde la vérité qu’il vient compléter et ainsi Dieu est justifié de toute inconstance ; il n’a jamais abandonné à l’erreur sa créature, même coupable, et sa miséricorde, qui s’achève par la loi nouvelle, s’est poursuivie d’âge en âge sans s’interrompre depuis la création. C’est la bonté divine que le Christ vient rendre indubitable au monde. La bonté, bonté telle que son immensité ferait son invraisemblance, a conseillé à Dieu de devenir homme pour instruire les hommes. La bonté resplendit dans toutes les institutions établies par le Christ, dans ces sacremens qui tous